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de l’Italie et peut-être du monde. Le provincial des dominicains Leandro Alberti, qui donna en 1550 une description de l’Italie, souvent réimprimée, raconte qu’arrivé à Gubbio, il vit ces tables, que les chefs de la ville lui montrèrent avec une sorte de respect religieux.

La première collection épigraphique qui ait publié un spécimen de ces inscriptions est le recueil dû au savant hollandais Smetius ou Smith, édité après sa mort par Juste-Lipse en 1588. Il donne les tables IV et VI, en disant que personne ne les comprend, mais que plusieurs croient qu’elles traitent de sacrifices. Smetius avait joint une transcription de l’alphabet étrusque, autant que les connaissances d’alors le permettaient. En 1601, Gruter, dans son recueil, reproduisit ces deux tables.

Le premier essai de traduction est dû à l’Italien Bernardino Baldo, qui publia en 1613, à Augsbourg, aux frais et par l’entremise du savant Welser, une divination, pensant, dit-il, que c’est chose indigne de son siècle que l’interprétation de ces tables n’eût encore été tentée par personne. Le texte est expliqué au moyen de Bérose et de Caton, d’après les ouvrages apocryphes d’Annius de Viterbe. Pour donner un échantillon de cette divination, il suffira de dire que le mot tertiam (troisième) était lu fedfiam et traduit par « libératrice » et que prusekatu (qu’il découpe), lu rdusecafu, signifiait « contrition. » Richard Simon faisait allusion à ce livre quand il parlait dans sa Bibliothèque critique « des impertinences que Velserus fait imprimer à Augsbourg. » Après avoir cité quelques étymologies hébraïques de Baldo, « en vérité, ajoute-t-il, il faut avoir l’esprit bien pénétrant ou plutôt être inspiré, pour voir que ces deux mots sont hébreux. Un Chinois y trouverait plutôt sa langue chinoise qu’un Juif n’y trouvera la langue hébraïque. »

L’année suivante (1614) vit paraître une traduction non moins extraordinaire : elle venait cette fois des Pays-Bas. Le Hollandais Adrien van Scrieck publia à Ypres un livre sur les origines des peuples de l’Europe, et en particulier des Néerlandais, où il inséra la table VII, qu’il avait reçue, disait-il, à Paris d’un de ses amis qui l’avait rapportée de Rome. Il y joignit une traduction où l’ombrien est expliqué à l’aide du néerlandais, car c’est le plus ancien monument de la langue belge qu’il reconnaissait dans cette table. On aura une idée de cette traduction quand nous dirons que eno prinratur, qui signifie « alors les acolytes, » est rendu par in bring water (qu’il apporte de l’eau). Le nom de la déesse Cerfa est pris pour le verbe sterben (mourir).

Ici s’arrêtent pour un temps les essais d’interprétation. Aux esprits avisés, le problème paraissait trop difficile. « Pour votre langue étrusque et ses caractères, écrivait Saumaise à Peiresc, c’est un