Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 12.djvu/658

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

démocratique, tel aussi que l’orageuse fermentation du XVIe siècle l’avait présenté plus d’une fois sans doute au peintre de ce vitrail : des traits maigres et irréguliers, un visage allongé, le nez mince à sa racine et charnu à son extrémité, un front faible, quelquefois élevé, mais sans domination, des cheveux plats légèrement repoussés vers l’oreille, un air doux et béat, un regard d’où jaillit une bienveillance quelque peu ironique, un ensemble de physionomie où se révèlent une obstination souriante et un pacifique entêtement. Tels sont les traits du saint Jacques de ce vitrail, tels sont encore ceux auxquels vous reconnaîtrez les honnêtes chercheurs de la nouvelle pierre philosophale. Il n’y a pas en effet que les familles et les races qui possèdent des types ; avez-vous remarqué que les diverses doctrines morales et les diverses opinions politiques possèdent chacune le leur, tant notre chair est plastique et tant notre âme la modèle à sa propre image ? Au temps heureux du roi Louis-Philippe, un de nos amis prétendait reconnaître à première vue un partisan du National et un lecteur passionné d’Armand Marrast ; nous renouvelâmes plusieurs fois cette expérience, elle se vérifia toujours.

La Sainte-Chapelle, le monument le plus renommé de Riom, est un des témoignages de la magnificence de cette première branche de Valois, qui, ainsi que nous l’avons fait remarquer naguère en parlant des ducs de Bourgogne, peut hardiment être comparée pour la prodigalité et le goût des arts à la branche d’Angoulême, et qui ne compta jamais qu’un ladre, le roi Louis XI. Elle fut bâtie vers la fin du XIVe siècle par Jean, duc de Berry, à qui cette partie de l’Auvergne, érigée en duché, fut donnée par surcroît en apanage[1]. C’était un dur exacteur, disent presqu’à l’unanimité tous les historiens, et dont les populations du midi gardèrent longtemps mauvais souvenir ; l’image que nous présente de lui sa statue funèbre conservée dans la crypte de la cathédrale de Bourges est donc bien menteuse, car c’est l’expression même de la bonté, et on peut

  1. L’Auvergne est une des provinces où il est le plus difficile de se tirer avec clarté de l’inextricable enchevêtrement des successions féodales, et des transferts de pouvoir qui en étaient la conséquence. Anciennement, la Haute-Auvergne était divisée en deux comtés, le comté d’Auvergne et le comté de Clermont. Sous le règne de Philippe-Auguste, une querelle armée de deux frères de la maison de La Tour, Guy, comte d’Auvergne, et Robert, évêque de Clermont, ayant amené une intervention du roi, le comté fut confisqué et donné à Guy de Dampierre, qui le tint en fief de la couronne. Saint Louis, par obéissance au testament de Louis VIII, son père, le donna à son frère Alphonse, qui à sa mort le légua au roi Philippe le Hardi, fils de saint Louis, malgré les prétentions de Charles de Valois, le célèbre conquérant de la Sicile. Charles fut débouté de ses prétentions, et le comté d’Auvergne demeura annexé à la couronne jusqu’en 1360, où il fut érigé en duché pour Jean de Berry. Ce dernier, quoiqu’il eût promis que, dans le cas où il mourrait sans héritier male, ledit duché reviendrait de nouveau à la couronne, sut profiter de la puissance qu’il s’était acquise pendant la minorité de Charles VI pour le faire passer en dot à sa fille Marie, femme de Jean Ier de Bourbon.