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édifice. A l’extérieur, c’est une église byzantine, ceintres bas et étroits, absides en forme de four, cordons de mosaïque, rien n’y manque ; à l’intérieur, le style ogival domine en partie dans la nef et entièrement dans le chœur ; seulement les sculptures des chapiteaux appartiennent au style byzantin, et byzantin de la plus ancienne époque, ce qui rend l’énigme un peu plus difficile à déchiffrer encore. Mais pourquoi la partie extérieure de l’église ne serait-elle pas l’église primitive, et la grande nef le temple de l’évêque Etienne ? Dans cette hypothèse, l’édification prétendue de Saint-Amable par ce prélat aurait consisté dans un remaniement général ou même dans une reconstruction totale de l’intérieur, ce qui n’a rien d’improbable. Quoi qu’il en soit de cette singularité, et bien que l’église soit nue et sans ornemens, elle peut se recommander de son architecture ; cela est froid, imposant, sévère, de proportions grandioses, frisant le sublime sans l’atteindre, noble sans attrait, élevé sans élancement, en résumé fait pour plaire, surtout aux gens du métier, plutôt que pour parlera l’imagination, et donnant une impression semblable à celles que donnent certaines œuvres grandioses de la littérature classique dont on reste étonné sans en avoir été ému.

Notre-Dame-du-Marthuret (du martyre ou des douleurs) n’a pas l’importance architecturale de Saint-Amable, mais elle est faite pour plaire davantage au commun des visiteurs. Église de la dernière période du gothique, — pour la façade principale au moins, — elle serait tout à fait charmante, si son clocher n’était surmonté d’un affreux dôme à jour, ou, pour être plus exact encore, d’une lourde calotte supportée par de lourds piliers, qui a l’air d’un vilain petit temple latin en rotonde réduit à l’état de pigeonnier. Il faut croire du reste que ce dôme, d’un goût détestable, a paru jadis le comble du beau à quelques personnages importans de Riom, car je le retrouve encore, au déplaisir de mes yeux, coiffant un ravissant beffroi gothique orné de sculptures, parmi lesquelles le collier de coquillages de l’ordre de Saint-Michel, qui donne sa date exacte. Sur la façade principale de Notre-Dame-du-Marthuret, au sommet de la porte, se présente une vierge sculptée, très en honneur dans la contrée, et qui mérite plus encore que la dévotion, cela soit dit sans irrévérence. C’est une œuvre de la renaissance d’un goût très particulier et même un peu bizarre ; une vierge distinguée plutôt que belle et originale plutôt que simple. Pourquoi la dévotion du peuple s’est-elle portée sur une image qui précisément n’a rien de populaire, il est assez difficile de le dire, si ce n’est pas pour cette raison même ; mais nous avons rencontré bien souvent le même fait, notamment à Rome, où la population entoure de ses faveurs et comble de ses présens certaine madone du Sansovino, œuvre d’un art accompli et conçue ; dans un sentiment qui est à l’opposé du