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mausolée, des thermes, de nombreuses statues de marbre et de bronze, si bien qu’un savant du XVIIIe siècle, Passeri, a pu appeler Gubbio « un sanctuaire d’antiquités. »

Mais le monument qui, plus que tout le reste, a rendu célèbre la ville ombrienne sont les tables connues depuis quatre siècles sous le nom de Tables eugubines. Elles furent découvertes en 1444, non loin du théâtre antique, dans un caveau orné de mosaïques et de peintures murales : elles étaient au nombre de neuf. Sept d’entre elles furent achetées en 1456 par la ville de Gubbio, où elles se trouvent encore[1]. Les deux autres, qui paraissent avoir eu dès le moment de la découverte une destinée à part, furent transportées en 1540 à Venise, où elles furent placées à l’arsenal. Elles y étaient encore en 1673; mais depuis elles ont disparu, et il a été impossible d’en retrouver la trace[2]. Il serait digne du gouvernement italien d’ordonner à ce sujet des recherches : la seule pensée d’une telle découverte fait battre le cœur du philologue.

Nous retournons maintenant aux sept tables conservées au palais municipal de Gubbio. Donnons-en ici le signalement. Ce sont des plaques de bronze d’inégale grandeur, mesurant en moyenne à peu près 50 centimètres de long sur 30 centimètres de large. Cinq d’entre elles (celles qui sont numérotées aujourd’hui de I à V) sont en écriture étrusque : deux sont en écriture latine de la plus belle époque, mais dans une langue qui n’est pas le latin. Il y a en outre une inscription en écriture latine (celle qu’on appelle souvent l’inscription Clavernhir, d’après le mot par lequel elle commence) qui a été ajoutée sur une place restée disponible du verso de la table V. L’état de conservation de ces plaques ne laisse rien à désirer. Toutes, excepté III et IV, portent des inscriptions au recto et au verso. Ces singuliers documens, faits pour provoquer et pour dérouter la curiosité, furent bientôt célèbres. L’inscription Claverniur fut publiée la première en 1520 dans un livre où l’on ne songerait pas à la chercher, — dans un récit de la vie de saint Ubalde, lequel était particulièrement vénéré à Gubbio. Quelques-uns croyaient voir dans ces tables les lois des anciens rois qui avaient à l’origine gouverné la contrée. Un historien les appelle les plus vieux monumens

  1. La minute de l’acte de vente, qui a donné lieu à de nombreuses discussions, existe dans les archives de la commune.
  2. Nous suivons ici le récit d’un historien qui nous paraît digne de foi à tous égards, le jurisconsulte et protonotaire apostolique Antonio Concioli, qui était lui-même originaire de Gubbio, et qui a écrit en 1673 un livre sur les coutumes de sa ville natale. Son témoignage a été plusieurs fois contesté. Il nous est impossible d’entrer ici dans cette discussion : disons seulement que les doutes élevés contre Concioli nous semblent peu justifiés et que les documens nouvellement découverts qu’on a invoqués contre lui parlent plutôt en sa faveur.