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Cette fille qui a perdu toute honte trompera donc le notaire ; au besoin même, elle sera le jouet de son séducteur, et elle se rendra complice des machinations les plus noires : si le séducteur est pauvre, elle s’entendra avec lui pour faire retomber le poids de leur faute commune sur quelque personnage riche et considéré ; si le séducteur est riche et puissant, elle en chargera, à son instigation, et terrifiée par ses menaces, un homme de sa condition, un homme obscur ! Quelques assiduités, quelques familiarités innocentes serviront de prétexte à l’accusation ; qu’osera-t-il répondre ? L’accusation est la conviction même, et, s’il se plaint, on promettra de l’apaiser. Et qu’on ne dise point qu’il s’agit de simples suppositions, ce sont des faits que la corruption des mœurs a rendus de plus en plus fréquens. Cette corruption, elle déborde, elle envahit les ateliers des artisans et les chaumières du peuple. Une nation entière et toute nouvelle est apparue parmi les femmes. Cette nation est celle des femmes entretenues, dont le nombre, dans les principales villes, rivalise avec celui des épouses légitimes. A quelle cause faut-il attribuer un tel désordre ? Est-ce à l’amour ? Non ! C’est à l’appétit immodéré du luxe qui a débordé des premiers rangs pour inonder les derniers.


« Ce n’est point l’amour, ce n’est point cette faiblesse si excusable dans les deux sexes et si aimable dans les femmes, ce n’est point le sentiment que la nature même peut inspirer, qui a produit le désordre ; c’est une vanité folle et la contagion de l’exemple. Dans les folies de cet ordre, un ruban fait aujourd’hui plus de conquêtes que l’amour le plus pur n’en eût fait autrefois. »


Le résultat de cette dépravation lamentable des mœurs du peuple a été l’abus éhonté des déclarations, « les prétendues victimes de la séduction se faisant un gain odieux de ce que les maximes de la justice leur avaient accordé comme une confiance honorable. » Dès lors plus de sécurité dans les familles ! ni le rang, ni l’âge, ni l’exercice de toutes les vertus n’ont fourni un abri assuré contre des accusations perverses, et l’orateur de conclure en rappelant des exemples bien faits pour porter avec une crainte salutaire la conviction dans l’esprit de ses graves auditeurs.


« Que ne m’est-il permis, messieurs, de vous révéler les abus énormes que l’adoption de cette maxime (creditur virgini parturienti) renouvelle tous les jours ! Si je ne craignais de mêler le ridicule à la gravité de notre ministère, je dirais qu’on a vu plus d’une fois de jeunes débauchées se faire un jeu de rejeter le fruit de leurs vices sur des hommes