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saurait être négligée. Il y a là certainement un élément juridique qui a échappé à l’analyse de l’auteur de la Dame aux Camélias et qui rend sa démonstration tout au moins incomplète. Faut-il ajouter encore que, si la séduction est un vol, il ne suffit pas de rendre le séducteur passible de simples dommages-intérêts calculés d’après le chiffre de sa fortune ? Une pénalité afflictive est indispensable, et cette pénalité, ce n’est pas d’après le chiffre de la fortune du coupable qu’il conviendrait de la graduer, mais d’après le caractère plus ou moins pernicieux du délit ou du crime, vol simple, vol domestique, vol avec effraction, etc. Évidemment cette première solution laisse à désirer. Que dirons-nous de la seconde ? M. Alexandre Dumas invoque non sans quelque complaisance le dicton populaire qui prétend que les enfans de l’amour sont les plus intelligens et les plus beaux, et il cite à l’appui une foule de grands hommes, depuis Hercule jusqu’à Jacques Delille, qui n’avaient point un état-civil régulier. Voilà un argument dont on ne saurait dissimuler la gravité ; mais M. Alexandre Dumas en a-t-il bien mesuré toute la portée ? Si le dicton populaire avait raison, et s’il était avéré aussi, suivant un autre dicton populaire dont l’autorité n’est pas moindre, que « le mariage est le tombeau de l’amour, » suffirait-il bien de réhabiliter et d’encourager les unions illégitimes ? Ne faudrait-il point recourir à une mesure plus radicale et prohiber résolument le mariage comme une cause d’abêtissement et d’enlaidissement de l’espèce humaine ? L’intelligence et la beauté ne sont pas déjà si répandues qu’il soit permis de reculer devant la suppression d’une institution qui empêche de les propager. L’abolition du mariage pour cause d’utilité publique et esthétique, telle est la conclusion de l’argumentation de ce logicien terrible. Cette conclusion se heurterait sans doute à la foule des préjugés qui poussent au mariage ; mais en attendant qu’elle eût réussi à en avoir raison, l’adoption du décret proposé par M. Dumas ne porterait-elle pas à cette institution surannée un coup formidable ? Si l’état se chargeait de tous les enfans naturels en acceptant l’obligation de les faire élever avec le plus grand soin, ne verrait-on pas aussitôt une foule de gens qui ont grand’peine à nourrir des enfans légitimes et qui les élèvent sans aucun soin, renoncer au mariage pour donner leur clientèle à l’état ? L’affluence serait énorme dans les bureaux, et Dieu sait si les ressources ordinaires du budget pourraient y suffire. Il faudrait emprunter.

Nous n’insisterons pas davantage sur les conséquences singulières des solutions de M. Dumas. Il n’est pas inutile de faire remarquer cependant que ces solutions, dans lesquelles d’ailleurs tout n’est pas à rejeter, n’ont rien d’absolument neuf. La recherche de