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En bonne agriculture, il n’en coûte pas plus de produire du bon coton que du mauvais ou du médiocre, et il est tout simplement absurde de dire, comme l’a écrit un ami assez mal inspiré du vice-roi, que « le fellah cultive la qualité qui lui tourne le mieux à compte. » Ainsi que nous l’avons expliqué, en Égypte, en dehors du gallin, une seule sorte de coton est produite, le mâko : meilleur il est, mieux il se vend. Voilà la loi et les prophètes en matière économique. Les daïras vice-royales s’efforcent de cultiver ce qu’il y a de mieux et par les meilleurs moyens possibles. Rien ne leur manque, ni eaux ni bras, car elles ont la corvée à leur service. Le succès ne couronne pas toujours leur œuvre, car l’œil du maître est absent : les terres des princes couvrent une immense superficie. Aussi les cotons des daïras sont-ils quelquefois très diversement classifiés en Europe.

En résumé, la culture du coton doit s’accroître en Égypte pour plusieurs raisons dont voici les principales. L’augmentation progressive de la population du globe, quoique imparfaitement connue, est un fait incontestable, en même temps qu’un facteur puissant dont les conséquences se feront sentir sur les matières de première nécessité, surtout à l’égard de celles dont la culture est soumise à des conditions climatériques qui la limitent absolument. Le coton, devenant toujours plus recherché, sera naturellement cultivé davantage, il est même douteux que la production soit toujours à la hauteur de la consommation. Il est permis cependant de se prononcer pour l’affirmative, l’assiette économique maintenue par les lois de la demande et de l’offre tendant à égaliser et à répandre les moyens de production. Les Indes orientales ont fait leurs preuves à cet égard. Enfin les États-Unis du nord de l’Amérique, pour les mêmes motifs et afin de satisfaire au développement de l’industrie cotonnière dans leur sein, produiront et absorberont chaque année plus de coton récolté chez eux. Il est moins certain, toutes choses égales, que la quantité dont ils disposeront en faveur de l’Europe reste ce qu’elle est maintenant, et même que pour un temps elle ne diminue pas, car la mise en culture de nouvelles terres dans les états cotonniers demande une augmentation de bras accoutumés à une température élevée, et le travailleur propre à la culture du coton dans- les états du sud tend à devenir le rara avis. Le surplus des besoins du monde industriel devra donc être tiré des contrées déjà connues par la quantité et la qualité du coton qu’elles livrent au commerce ; parmi ces pays, l’Égypte occupe une place dont l’importance ne peut que s’accroître.


JOHN NINET.