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au commerce, avec les bas classemens du bâli et le duvet extrait des fruits mal mûrs, le coton dégénéré et blanc dont se plaignent les filateurs étrangers. Les fellahs le cèdent à bas prix, mélangé ou tel quel, aux acheteurs, qui le mêlent à d’autres assortimens, pour faire aller le tout ensemble.

A l’égrenage, le coton rencontre d’autres ennemis de sa virginité mercantile. Les appareils Mac-Arthy sont disposés dans les usines de telle sorte que le duvet nettoyé tombe sur une seule ligne le long de laquelle le surveillant, plus ou moins intéressé, se promène en enlevant devant chaque rouleau les portions de lainage jurant par leur finesse ou leur basse qualité avec l’ensemble du stock. Cette cueillette, on le pense bien, se fait avec plus ou moins d’attention, suivant que le coton appartient à l’égreneur ou à un client absent, qui fait nettoyer à façon. Le mal ne se borne pas là. Les mélanges ruineux qui s’opèrent dans les usines sont répétés au pressage, aux villages ou à Alexandrie, le tout compliqué d’autres pratiques, dont l’une est l’arrosage du coton. Le résultat est clair. Les échantillons de première qualité deviennent plus rares, la majeure partie en est promptement exportée, quelques portions en servent à saler les secondes qualités, manipulées avec ce qu’il y a de mieux dans les plus basses, dont le marchand égyptien s’applique à réduire autant que possible la quantité.

La cause de tout le mal, c’est que les usines à égrenage sont des entreprises particulières, complètement indépendantes des plantations et des planteurs. A l’exception des daïras vice-royales et de quelques grands dignitaires, les agriculteurs font généralement égrener leur récolte à façon. Quelquefois ils la vendent en graines aux chefs d’usines ou aux agens acheteurs, à la charge de qui tombe l’opération. Sans accuser personne, il est permis d’indiquer les inconvéniens de ce système, qui contribue à mettre de plus en plus les malheureux fellahs dans les mains de ceux qui les exploitent. Le propriétaire du coton perd de vue sa marchandise, qui lui est rendue en sacs dont le contenu n’est pas toujours facile à visiter, et, comme un grand nombre d’égreneurs sont eux-mêmes spéculateurs, qu’une stricte honnêteté n’est pas ici la vertu dominante, il est facile d’imaginer les arrangemens, les combinaisons qui ont lieu aux dépens d’un article dont la valeur peut varier de 1 à 2 dollars par quintal sans offrir une différence appréciable à l’œil » On se rend ainsi aisément compte du manque complet d’homogénéité du duvet qui a frappé la filature européenne. Nous avons rencontré plus d’une fois, cette année encore, dans des balles pressées du poids de 4 quintaux, soumises à notre examen, les classifications les plus diverses, même du coton de deux ou trois