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doivent faire les fonds à chaque échéance des traites fournies, lesquelles se renouvellent ainsi plus ou moins indéfiniment. Ces facilités, disons cet argent coûte peu à celui qui en jouit : une provision de banque, quelque petit intérêt en cas de retard, et çà et là une perte au change. Comparées aux taux égyptiens, ces conditions sont très avantageuses. Les sommes ainsi obtenues, employées en placemens financiers sur les valeurs locales, rendent un gros intérêt, s’élevant quelquefois à 30 pour 100 par année, ou bien elles sont envoyées dans les villages, avancées aux cultivateurs à un taux variant de 4 à 5 pour 100 par mois et remboursables en produits au cours du jour de la livraison, souvent au-dessous. A l’aide de ces combinaisons financières fort à la mode, le mystère des opérations commerciales s’explique, et la position des fellahs producteurs est clairement établie. Exploités par les intermédiaires et par l’administration, mal ou jamais protégés, enfin n’ayant de liberté que pour produire davantage au profit de qui les gouverne, les agriculteurs égyptiens sont exclus du progrès général.

Revenons à la qualité du mako. Celle-ci dépend non-seulement du terrain et de la graine, mais encore en grande partie du mode de culture employé. La pluie étant rare en Égypte, le Nil seul fournit de l’eau, et, comme il n’est pas également haut toute l’année, le genre de culture se règle sur l’étiage du fleuve. De là deux systèmes de produire le coton : l’un, appelé misgawé, est pratiqué sur les terres situées près du Nil ou des grands canaux, où l’arrosement est possible pendant la durée de la culture, de mars en septembre. Cette méthode est rémunératrice et rend dans les bonnes terres bien travaillées de 5 à 6 quintaux de coton net, fort, souple, fin et long, par feddan ; elle demande des bras, des bestiaux pour élever l’eau ou des machines, enfin elle exige plus de soins et de labeur. L’autre méthode s’appelle bâli (d’été ou sèche) ; elle a lieu sur les terres hautes, éloignées des canaux et tenues par des fellahs peu favorisés. On arrose la plante durant la première pousse, puis, si cela est possible, quelque peu de mai eh août, à l’aide de puits faiblement alimentés. Quand arrive la nouvelle eau, la plantation en absorbe ce qu’il lui faut. Le rendement bâli est moitié moindre, et le lainage sort plus blanc, mais plus faible et généralement de qualité moyenne. Enfin, dans quelques localités où une économie forcée est de rigueur, on coupe les plantes de, coton au niveau du sol, on inonde le champ, sur lequel on jette du bersym (luzerne), et le fellah se ménage deux récoltes, une de fourrage et l’autre très réduite de coton blanc et court, sec et cassant. C’est ce dernier mode de culture expéditif, peu coûteux, à deux fins, et qui malheureusement est plus répandu qu’on ne le suppose, qui fournit