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Depuis l’introduction du jumel, les soins donnés par l’agriculture à cette plante ont varié avec les gouvernemens qui se sont succédé en Égypte. Arrivée à son faîte comme qualité et préparation, la production fut dirigée par la guerre de sécession vers la quantité. Et comme il n’existe aucun contrôle gouvernemental, comme les provinces n’ont ni vie ni autonomie communale, partant ni émulation administrative, ni comices agricoles, la cupidité native du fellah reste aux prises avec son insouciance, son ignorance et son manque complet de culture intellectuelle. Chargé d’impôts, de taxes nouvelles de toute sorte, forcé de prendre part à des emprunts nationaux plus ou moins inscrits au grand-livre, de payer les droits sur le sol de cinq et six ans anticipés, le fellah cherche à produire le plus qu’il peut avec le moins de frais et de peine possible. Au lieu d’être encouragé dans cette culture, le paysan égyptien en est plutôt éloigné par les procédés fiscaux dont on use envers lui. Ainsi le gouvernement, pensant qu’une nouvelle élévation du droit territorial serait peu appréciée dans ce moment, a imaginé d’arriver au même résultat en réduisant fictivement le feddan, mesure agraire qui sert de base à l’impôt et qui valait à peu près 1/2 hectare ; le fermier ou le propriétaire de 100 feddans réels acquitte la taxe pour 130, la superficie légale ayant été diminuée d’autant. Pourvu que le fellah paie, on n’exige de lui rien de ce que précisément on devrait lui demander en l’imposant moins.

Après la mort de Méhémet-Ali, les règlemens concernant les semailles du mako sont tombés en désuétude, et ce n’est que le 12 décembre 1874 que le khédive, pressé sans doute par les plaintes renfermées dans l’adresse des filateurs de Bolton, a envoyé à ce sujet une circulaire aux moudirs des provinces. Ces instructions fort louables resteront lettre morte ; nous craignons fort qu’elles n’aient été rédigées que pour donner pour la forme satisfaction à l’industrie européenne. Néanmoins on ne serait pas fondé à prétendre que le mako a dégénéré en Égypte. De bonnes semences dans un bon terrain convenablement arrosé et cultivé donneront toujours du coton de premier choix à la première cueillette, du moyen à la seconde alternant avec du meilleur, et du coton bas à la dernière. Si ces assortimens provenant d’une qualité de semence unique, le mako, étaient vendus séparément en balles, honnêtement, marqués d’un chiffre indiquant la classification, personne ne se plaindrait.

S’il est juste de dire que le mako, définitivement acclimaté depuis près d’un demi-siècle en Égypte, n’a pas dégénéré, il ne l’est pas moins de confesser que dans l’ensemble des récoltes actuelles la qualité est moins satisfaisante. Il est certain que l’échelle des classifications a considérablement varié depuis dix ans, inclinant