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Lucques, les meilleures qualités d’huile comestible. La fabrication du savon l’utilise, et les fellahs préparent leurs alimens avec l’huile de coton non épurée, acre et noirâtre, telle qu’elle coule des presses. Enfin l’ancien mode d’égrenage rendait difficile l’extraction du duvet des noix mal ouvertes et de celles non arrivées à maturité, que les fellahs mélangeaient à l’époque de l’extraction des plantes. De cette cueillette tardive, séchée dans le four, sortait et sort encore aujourd’hui une certaine quantité de coton court et faible très blanc, que les producteurs ou les intermédiaires égréneurs et les acheteurs emballent avec de la marchandise meilleure. L’opération est assez adroitement exécutée pour qu’il soit difficile de découvrir la fraude sans un examen minutieux.

Abbas-Pacha, successeur de Méhémet-Ali, agronome pratique et dont les vues économiques dépassaient de beaucoup ce qu’on peut attendre d’un prince oriental, en ouvrant l’intérieur de l’Égypte au commerce européen, s’attacha spécialement à développer la culture du coton, qui avait pour lui un attrait particulier. Ayant pu apprécier les aptitudes du sea-island, il tenta d’ajouter au mako la production de cette qualité supérieure. Dans ce dessein, il se procura des graines des meilleures plantations de la Floride, et en fit semer dans tous les villages où son grand-père avait tenté cette culture, mais sur une échelle réduite. Ce coton si cher et si recherché réussit fort bien malgré l’inintelligence de ceux qui le cultivèrent. Méhémet-Ali avait fait instruire des jeunes gens en vue de la production du sea-island, mais, chaque nouveau vice-roi s’empressant de faire le contraire de son prédécesseur, les bonnes traditions furent abandonnées ; cependant la culture survécut. Saïd-Pacha se procura par les mêmes intermédiaires des graines de la Floride et en ordonna l’ensemencement dans certaines provinces, où la répartition eut lieu selon la nature du terrain. Il y avait progrès, mais tout était fait à la légère et selon l’usage oriental : ouragan d’énergie puérile au début suivi de calme plat et de négligence absolue. Ce prince fut le dernier importeur de cette semence. Il est difficile aujourd’hui de savoir dans quelle localité en Égypte le sea-island a le mieux réussi ; ce qui est malheureusement certain, c’est qu’il a été négligé, presque oublié. Le khédive paraît le tenir en mince estime, car depuis son avènement (1863) aucun renouvellement de la graine n’a eu lieu, que nous sachions. Les semences de sea-island, sans cesse utilisées sur les mêmes terrains, se sont atrophiées, et ne produisent maintenant qu’un lainage dégénéré, quoique toujours relativement fin, souple et à longues soies, et malgré tout de beaucoup supérieur au mako. C’est ce coton que les classificateurs appellent gallin.

Lorsque Méhémet-Ali introduisit pour la première fois en Égypte