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préposés l’un après l’autre à la direction du musée témoignassent d’un grand zèle pour ses progrès, la bibliothèque proprement dite grossit assez vite. Un de ses premiers bienfaiteurs fut, en 1759, un riche négociant, Salomon Da Costa, Juif d’Amsterdam établi depuis de longues années en Angleterre ; il fit don d’une précieuse collection de livres et de manuscrits hébraïques « en reconnaissance, écrivait-il, de la généreuse protection dont l’avaient couvert la tolérance et la justice du gouvernement britannique. » Sa lettre d’envoi aux trustees se termine par une sorte de prière pour le musée qui venait de s’ouvrir : « puisse-t-il croître et multiplier pour l’avantage de cette nation et de toute l’espèce humaine ! » L’optimiste même le plus confiant n’aurait pu prévoir alors combien ce vœu serait brillamment réalisé avant qu’un siècle eût achevé de s’écouler.

Bientôt après, la bibliothèque recevait de George III la Collection Thomason, une admirable suite de pamphlets politiques réunie pendant la révolution par le libraire de ce nom ; il y avait plus de 33,000 pièces séparées. Vers le même temps, le grand acteur David Garrick léguait une série unique de vieilles pièces du théâtre anglais, dont beaucoup, sans lui, seraient aujourd’hui perdues. D’autres donations, dont chacune a sa valeur propre, furent faites par Thomas Birch, Musgrave, Tyrwhitt et Cracherode ; mais ce fut seulement en 1805 que le parlement contribua à enrichir la bibliothèque. Près de 5,000 livres furent votées pour lui assurer la possession des manuscrits qu’avait réunis Shelburne, premier marquis de Lansdowne. Cet admirable cabinet était comme le complément naturel des fonds Cotton et Harley ; entre autres trésors, il comprenait les papiers de Burghley, le premier ministre d’Elisabeth. A partir de ce moment, les libéralités parlementaires devinrent fréquentes. Il serait trop long d’énumérer les diverses bibliothèques qui furent acquises depuis lors pour combler telle ou telle lacune. En 1832, le legs de Francis Egerton, comte de Bridgewater, faisait entrer dans le musée une foule de documens importans pour l’histoire de France ou d’Italie et lui assurait de plus un capital dont le revenu était destiné à l’achat de nouveaux manuscrits ; c’est environ 12,000 francs à dépenser par an.

Dans l’intervalle, l’Angleterre avait enfin eu un prince dont les goûts ont servi le Musée-Britannique et y ont laissé de nobles traces. Dire que George III aimait les lettres, ce serait mal s’exprimer ; il avait reçu une éducation trop incomplète, il avait l’esprit trop lent et trop terne pour mériter cet éloge. Pour lui, la littérature anglaise commençait au règne de la reine Anne. On sait ce qu’il pensait du plus grand poète de l’Angleterre. Dans un instant d’épanchement, il disait à miss Burney : « Y eut-il jamais fatras pareil à