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et de la collection harléienne de manuscrits, et pour l’organisation d’un dépôt général où lesdites collections, la bibliothèque cottonienne et les additions postérieures soient mieux accommodées et mises à la portée du public de manière à être plus aisément consultées. Restait à trouver l’argent. Le roi George II, quand on lui en avait parlé, avait tourné les talons en répondant : « Je ne crois pas qu’il y ait eh tout 20,000 livres dans le trésor. » Ce fut au zèle éclairé du président de la chambre basse, Arthur Onslow, que l’on dut le succès de l’affaire. Il s’agissait d’au moins 50,000 livres. On trouverait tout simple aujourd’hui de les obtenir en votant une légère augmentation d’impôt ; mais le ministère n’eût point alors osé demander ce sacrifice en vue d’un résultat qui semblait n’intéresser que quelques savans. Onslow eut l’idée d’une loterie autorisée, et en fit adopter le plan. Tous frais payés, celle-ci devait laisser près de 100,000 livres de bénéfice, destinées au double achat décidé, puis à la création d’un fonds de réserve pour le nouvel établissement. Cet expédient donna lieu à un scandaleux agiotage et à des poursuites devant les tribunaux ; mais tous les billets se placèrent, et l’on put acquérir le cabinet de Sloane et les manuscrits harléiens. Le Musée-Britannique était fondé ; restait à lui trouver un domicile convenable et à en faire profiter le public.


III

Quoique fait à titre onéreux, le legs de Sloane, vu la modicité du prix fixé par le testateur, restait un acte de libéralité patriotique. Ce bienfaiteur avait encore eu un mérite, c’était de ne pas mettre à son bienfait de conditions gênantes. Sans doute il exposait, dans ses dernières volontés, ses vues personnelles sur l’entretien et le développement de son musée ; mais il s’empressait d’ajouter : « Les administrateurs jugeront d’ailleurs de la meilleure voie à suivre pour répondre à mon désir d’être utile au public. » Il aimait son vieux manoir de Chelsea, il avait caressé l’idée que ses collections demeureraient dans ces salles où il les avait disposées lui-même, dans ces lieux tout pleins encore de son image et de sa mémoire ; il avait pourtant laissé ses représentans libres de consentir à un déplacement, si l’intérêt général paraissait l’exiger. L’opinion ne tarda point à se prononcer dans ce sens ; on trouvait Chelsea trop éloigné du centre, — n’oublions pas qu’il n’y avait alors ni bateaux à vapeur sur la Tamise, ni chemin de fer métropolitain ; on voulait un endroit moins reculé, qui n’imposât point aux curieux une aussi longue course, mais qui ne fût pourtant point au milieu de la foule même et de son bruit. On songea d’abord à Buckingham-house,