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active aux débats parlementaires, il était surtout homme de cabinet ; mais il ne se fit point faute de fournir des argumens et des faits à ces juristes opiniâtres qui ne marchaient que preuves en main. Un des plus célèbres discours d’Elliot, prononcé en 1625, passe pour avoir été préparé par Cotton. Aux yeux de la cour, cette bibliothèque était comme l’arsenal où tous les ennemis du roi venaient chercher et fourbir leurs armes. De là de grandes colères, qui se traduisirent d’abord par de publics affronts infligés à l’amour-propre de Cotton ; mais un coup plus cruel était réservé au vieillard. En 1629, sous un prétexte dont ceux même qui s’en prévalaient ne pouvaient guère être dupes, le roi fit apposer les scellés sur la bibliothèque de sir Robert Cotton, et le cita, avec trois grands seigneurs du parti libéral, devant la chambre étoilée. Le procès ne pouvait aboutir ; il était facile à l’accusé de prouver qu’il n’était pour rien dans le pamphlet dont la paternité lui était attribuée, ou qu’on lui reprochait d’avoir tout au moins reproduit et fait circuler ; mais pour un homme de son âge, — il allait avoir soixante ans, — c’était la plus dure de toutes les privations que de se voir chassé de cette bibliothèque où il vivait depuis tant d’années, où il passait ses jours et une partie de ses nuits. Comme par dérision, on lui permettait de se la faire ouvrir, s’il avait besoin d’y chercher des pièces pour sa défense, par un secrétaire du conseil privé qui devait en garder les clés ; mais ces visites rapides, sous l’œil jaloux d’un surveillant, étaient moins une consolation qu’un surcroît d’amertume. Près de deux ans se passèrent ainsi : la poussière s’amassait sur les rayons des douze grandes armoires dont chacune, surmontée par le buste d’un empereur romain, était désignée dans le catalogue par le nom du césar qui la décorait ; faute d’air et de lumière dans les galeries fermées, les manuscrits souffraient de l’humidité et les tranches des livres les plus rares et les plus aimés se piquaient et jaunissaient. En vain, pour obtenir que le libre accès de son trésor lui fût rendu, le malheureux adressa-t-il au roi les plus humbles suppliques, en vain plusieurs des ministres s’entremirent-ils en sa faveur. Charles avait été blessé dans son orgueil : au bout de quelques mois, il leva les arrêts d’abord infligés à Cotton et à ses coaccusés ; mais les livres et les manuscrits restaient toujours captifs. Les amis du vieillard le voyaient avec douleur changer à vue d’œil ; « ses traits, écrit un de ses compagnons d’étude, Symond d’Eves, étaient devenus d’une sombre pâleur ; on eût dit la face d’un mort. » — « Cette affaire me tue,  » répondait-il à ceux qui tentaient de le consoler. Sa faiblesse augmenta peu à peu ; il prit le lit. Prévenu de la gravité du mal, le roi se laissa arracher la permission de rouvrir la bibliothèque ; on en