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étaient exceptionnels, et ils n’ont point suffi pour rétablir l’équilibre entre le chiffre des dépenses et le chiffre des ventes. Cependant on ne doit point s’inquiéter de ce précédent : depuis, c’est-à-dire dans les vingt dernières années, la terre a presque doublé de valeur ; pour preuve, tout récemment, dans le polder de Wijkermeer, des terres semblables à celles qu’on obtiendra au Zuiderzée se sont vendues 4,450 francs l’hectare. En admettant donc que la grande étendue des terrains disponibles occasionne une dépréciation passagère, il n’en reste pas moins fort probable que les entrepreneurs de ce beau travail seront largement payés de leurs peines.

Si l’on considère maintenant l’utilité que le gouvernement lui-même retirera de cette entreprise, on voit que le dessèchement aura pour lui les plus grands avantages. D’abord le royaume, actuellement composé de onze provinces, s’agrandira d’une province nouvelle, qui ne sera point la dernière pour l’étendue, et qui formera la vingtième partie du territoire total. Par conséquent il semble qu’on puisse compter sur un accroissement proportionnel de la production, de l’industrie locale et du commerce intérieur, peut-être même de la population. De là une augmentation nécessaire dans le produit de l’impôt et une source certaine de richesse pour le budget. À ne regarder que le seul impôt foncier, on trouve que cette annexion pacifique rapportera au gouvernement un revenu annuel de 1,880,000 francs : tel est le chiffre qu’on obtient en prenant pour base du calcul la moyenne de l’imposition actuelle, qui est de 12 fr. par hectare.

Souhaitons bon succès à ce petit peuple actif, amoureux du travail et de la liberté, généreux et hospitalier, digne à tous ces égards de l’affection et de la sympathie de la France. Il donne en ce moment aux nations européennes un utile enseignement ; il leur montre qu’il est d’autres moyens que la conquête armée pour fonder une puissance solide et pour enrichir un pays. Son exemple est tout ensemble une leçon et une preuve ; en dépit de ses étroites limites, de son sol hostile, de sa faible population, de son impuissance militaire, il a su par sa sagesse, par son industrie, par son amour de la paix, devenir riche et rester indépendant. Aussi chacun applaudira-t-il cette fois encore au légitime orgueil qui a fait dire déjà : « Si Dieu a créé le monde, les Hollandais ont créé leurs rivages. »


GEORGE HERELLE.