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Et pourtant l’œuvre la plus laborieuse est bien moins l’établissement des canaux que la construction des écluses et des ponts, car l’ingénieur se trouve alors aux prises avec les données d’un problème qui peut se formuler ainsi : asseoir solidement des travaux d’un poids écrasant sur un terrain mouvant et imbibé d’eau. Ordinairement on recourt à des pilotis de chêne; quelquefois on consolide les ouvrages avec des plates-formes en fascines. Sans entrer dans la minutie des détails techniques, nous remarquerons seulement qu’on distingue trois sortes d’écluses : les schutzluis ou doubles écluses, les écluses simples (witwateringzluis) pour l’écoulement des eaux épuisées, enfin les petites écluses d’inondation, destinées à arroser les polders pendant les chaleurs de l’été. A Enkuizen, à Kampen et à Urk seront établies trois schutzluis principales, et une vingtaine d’autres, moins importantes, se trouveront à tous les croisemens de canaux; trois écluses simples s’ouvriront à côté des écluses doubles d’Enkuizen, de Kampen et d’Urk, et les petites écluses se répartiront en grand nombre sur toute la superficie des polders.

Si l’on suppose tous ces travaux achevés, on n’a pas encore assuré suffisamment l’écoulement des eaux, parce que la différence entre les marées hautes et les marées basses n’est pas fort considérable, de sorte que l’écluse de décharge ne rend que de médiocres services. Même, sous l’influence de certains vents, il peut se passer plusieurs semaines sans qu’il y ait moyen d’ouvrir les portes. Aussi devient-il indispensable de recourir aux machines pour maintenir le niveau intérieur. Autrefois on se servait simplement de moulins à vent, moteurs fort économiques : on peut encore en apercevoir les grandes ailes déployées le long de quelques canaux. Malheureusement l’action des moulins à vent est incertaine, et depuis le dessèchement du lac de Harlem on ne se sert plus que de machines à vapeur. Le nouveau moyen employé a l’avantage d’être tout entier à la disposition de l’ingénieur, et de permettre un calcul mathématique du temps nécessaire pour épuiser une quantité d’eau donnée. Or, pour le Zuiderzée, on peut évaluer à 3m,50 la profondeur moyenne des eaux qu’il faut extraire. On obtient ainsi une somme de 5 milliards environ de mètres cubes. M. Dirks, qui a dirigé le dessèchement de l’Y, juge que si, par minute, 12 chevaux effectifs de force élèvent à 1 mètre 54 mètres cubes, ils suffisent pour maintenir en bon état d’épuisement une superficie de 1,000 hectares. En tenant compte de tous les chiffres précédens et de la hauteur à laquelle il faudra élever les eaux, on voit que 9,400 chevaux de force, retirant 4,500 mètres cubes par minute, auront desséché le Zuiderzée en deux ans et demi environ.

Après les pompes à vapeur viennent les dragues, indispensables