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l’affaire devenait trop sérieuse pour que le gouvernement restât étranger à l’entreprise. En mai 1870, une commission d’état fut instituée par ordonnance royale, et, après trois années d’études, le 21 avril 1873, un nouveau rapport, approuvé par une forte majorité, déclarait enfin le projet praticable et avantageux.

Ces hautes approbations ne tardèrent point à émouvoir l’opinion publique. Dès le mois de février 1874, une brochure parut à La Haye sous ce titre : Où en sommes-nous du dessèchement du Zuiderzée? L’auteur demandait que le 25e anniversaire de l’avènement de Guillaume III fût célébré par un décret qui ordonnerait le commencement des travaux. En même temps la presse, les chambres de commerce, les conseils municipaux envoyèrent au gouvernement des adresses pour appuyer ce vœu. Bref, en septembre, dans le discours du trône, le roi se déclara favorable à l’entreprise; puis les états-généraux, en répondant au roi, demandèrent qu’on se mît à l’œuvre sans retard. Enfin la chambre vient de voter 8,000 florins pour l’achèvement des études préparatoires. Tout fait donc espérer que, dans un court délai, le projet entrera dans la période d’exécution.

Lorsqu’on jette les yeux sur la carte, on est pris d’un doute involontaire devant ce large bassin à vider, ces rives lointaines à unir par une digue, cette énorme masse d’eau à puiser et à déverser dans la mer; mais dès aujourd’hui le rapport de la commission répond aux incrédules : tout y est prévu, les moyens pratiques, la durée du travail, la somme probable des dépenses. Et ce ne sont point là de ces appréciations hypothétiques qui trompent si souvent les espérances de l’ingénieur : en ce genre d’entreprises, la Hollande a une longue expérience, et chaque chiffre est étayé par des faits. En résumant ce rapport, nous parlerons d’abord de la grande digue d’isolement, destinée à faire un lac du Zuiderzée méridional; viendront ensuite les ouvrages secondaires, tels que canaux intérieurs, ponts et écluses, puis les machines dont on se sert pour pomper l’eau ou pour draguer les vases, enfin les travaux d’exploitation, chaussées et chemins de fer.

La grande digue est évidemment la plus importante des constructions à exécuter; elle est aussi la plus difficile. Selon le projet, elle partira de la ville d’Enkuizen, sur la rive occidentale, se dirigera en ligne droite jusqu’à l’île d’Urk, puis, avec deux angles rentrans très ouverts, rejoindra la côte orientale à Kampen. Elle sera longue de 40 kilomètres, avec 50 mètres de largeur à la base, et 8 mètres au-dessus du niveau moyen des hautes mers, déterminé par le point de repère d’Amsterdam. La berme extérieure aura 5 mètres; la berme intérieure portera une voie ferrée et un chemin de halage pour le canal riverain. Sur trois points, à l’île d’Urk,