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A la surface, les tas de déblais amoncelés donnent l’idée d’un déluge récent. C’est un désordre, une ruine sans nom. Nous ne savons pas de spectacle plus triste, quand les mineurs ne sont plus là et qu’un morne silence a succédé à la bruyante activité du placer. On a refait le travail de la nature, mais plus brusquement, plus brutalement; on n’a rien laissé en place, et l’on n’a pas pris le soin, comme elle, d’empiler régulièrement les matériaux. Heureusement que l’agriculture occupe d’ordinaire des comtés différens de ceux où sont les graviers aurifères, ou au moins d’autres sites, et que le danger de ces exploitations n’est qu’apparent pour elle ou restreint à quelques cas particuliers. S’il devait un jour devenir plus grave, on peut se fier au bon sens public et à la pratique éclairée des législateurs pour parer à cette difficulté.

C’est principalement dans le bassin du Sacramento, dans les comtés de Nevada, Sierra, Placer, Butte, Eldorado, Amador, Tuolumne, Calaveras, que l’on peut étudier les bancs de graviers. La plupart des géologues voient dans ces dépôts, qui occupent souvent des étendues et des hauteurs considérables, des dépôts glaciaires, d’autres des formations purement diluviennes, c’est-à-dire des lits desséchés de torrens, de cours d’eau disparus. Il est certain que l’on est devant un dépôt régulièrement orienté; le mouvement des blocs quartzeux, des galets, des cailloux roulés, des sables, a suivi une pente et une direction données. La direction générale est presque toujours perpendiculaire à celle des cours d’eau actuels de la contrée. On a quelque peine à admettre que des glaciers, à une époque où il faut supposer que les froids polaires auraient régné dans ces parages, aient charrié si bien toutes ces masses, puis les aient si régulièrement laissé tomber sur place, quand ils auraient fondu par suite d’un changement de climat, d’une élévation de la température. Que de données hypothétiques introduites dans l’explication du phénomène! Les cailloux sont ronds et bien roulés, bien polis, au moins dans tous les endroits où il nous a été donné d’étudier ces formations. Nulle part nous n’avons remarqué, sur les roches quartzeuses même les plus considérables, ni ces angles aigus indiquant que le bloc, empâté par les glaces, n’a pas souffert dans son parcours, ni ces stries caractéristiques qui témoignent que la roche voiturée a frotté sur la roche sous-jacente. Le soulèvement de la Sierra-Nevada, s’il a été brusque, a dû donner naissance à des torrens qui, déchaînés tout à coup, ont labouré les flancs de cette chaîne en descendant dans les vallées, et, passant sur la tête des filons, ont entraîné les galets aurifères avec eux. Que si l’on veut à toute force faire intervenir les glaciers, qu’il est de mode maintenant d’invoquer partout dans l’explication des derniers phénomènes terrestres,