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C’est toujours la même chose. On fait et on défait, on adopte ou l’on reprend une idée, selon Tintérêt qu’on croit y trouver. Au fond, c’est une question toute politique qu’on soulève, et si ceux qui déploient un tel zèle pour l’indépendance municipale voulaient parler franchement, ils avoueraient que la vraie raison de leur insistance, c’est que les ne leur offrent pas toutes les garanties possibles, c’est que ces agens municipaux en grande partie renouvelés depuis le 24 mai sont soupçonnés de vieilles attaches bonapartistes. Le gouvernement a tort sans doute s’il nomme des maires d’un impérialisme avéré, et il se donne bien gratuitement un tort plus grand encore lorsqu’il semble mettre des façons pour frapper M. le maire d’Ajaccio allant sous son habit de réserviste assister aux ovations préparées pour M. Rouher. On peut avoir raison de se plaindre quelquefois ; mais il ne s’agit ni de l’intérêt bien entendu, ni même de ce droit de nomination des maires dont le gouvernement ne doit pas se dessaisir, peut-être moins sous la république que sous tout autre régime, précisément parce que de toutes parts, dès qu’on le peut, on se fait une triste habitude de transformer de modestes municipalités en autant de petites républiques tracassières et s’agitant dans le vide.

Il faut en prendre son parti, nous n’en sommes pas au point où de néfastes événemens nous ont laissés pour nous amuser à de petites querelles parlementaires ou municipales et même pour tout subordonner à nos idées préférées. La France a des devoirs à remplir envers elle-même, elle a de toute façon à se réorganiser, et dans ce travail maires ne sont pas seulement des agens municipaux, ils sont les de l’autorité centrale. Il y a aujourd’hui une raison de plus qui suffirait à trancher la question. Les maires sont des agens essentiels dans tout ce qui touche à la mobilisation miUtaire. De leur zèle, de ponctualité ou de leur négligence dépend l’exécution de certaines mesures, et des exemples récens prouvent qu’ils ont peut-être encore beaucoup à apprendre pour se pénétrer de leur rôle, que, s’il y a un défaut, il ne vient pas d’un excès d’autorité du gouvernement. Sans doute le gouvernement est responsable et doit toujours compte de ce qu’il fait, mais il doit garder le choix de ceux qui peuvent être appelés à le seconder dans des circonstances décisives. Il ne peut pas être surpris ou entravé dans un moment d’action par de petites résistances locales, et voilà pourquoi on ferait mieux de laisser de côté pour l’instant cette question des maires, qui n’a d’ailleurs rien de pressant, qu’on ne pourrait que compromettre une fois de plus en la mêlant à des préoccupations d’élection.

Ce qui touche aux intérêts essentiels, permanens, de la France devrait toujours être laissé en dehors des conflits passionnés des partis ; mais c’est une raison de plus pour que l’esprit qui préside aux affaires du pays garde avec une vigilance active une libérale et ferme impartialité,