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fuser l’avantage de cette étrange confusion. Il suffit que mal inspirés voient en M. Thiers un ennemi pour qu’ils exaltent ses pour qu’ils se servent de son nom devant le pays. Au fond, ni les uns ni les autres ne croient ce qu’ils disent, et s’ils parlent ainsi, parce que les uns se figurent toujours voir dans l’ancien président de république un dangereux prétendant à combattre, parce que les autres espèrent se servir de ce précieux patronage dans leurs campagnes Tout cela n’est qu’une vaine comédie des partis.

Croire que M. Thiers ne reparaît aujourd’hui par son discours d’Arcachon que pour se préparer quelque éclatante revanche, pour provoquer des manifestations d’opinion qui seraient embarrassantes pour lui comme pour tout le monde, c’est méconnaître sa situation. Il ne peut pas être ministre, ni même président d’un ministère, il ne pourrait donc rentrer au pouvoir que comme chef de gouvernement ; mais ce serait ouvrir une d’avoir votée, qui a lié la présidence septennale de M. le maréchal de Mac-Mahon à la loi organique elle-même, et la brèche une fois ouverte, on ne sait guère ce qui pourrait y passer. Ce n’est point l’ancien de la république qui pourrait être soupçonné de vouloir jouer de telles parties. La vérité est que M. Thiers reste un personnage que les circonstances ont placé en dehors de la mêlée des opinions et des compétitions de tous les jours, qui garde certes plus que tout autre le droit de dire son mot sur les affaires du pays, et ce mot, le dit avec l’autorité de ses services et de sa parole, avec un supérieur des nécessités qui ont fait sortir la république des événemens de ces dernières années.

Est-ce que M. Thiers se trompe lorsqu’il décrit ces nécessités ? S’il se trompe, comment ceux qui auraient certainement désiré le rétablissement de la monarchie ont-ils été conduits à voter eux-mêmes par raison la république du 25 février ? Est-ce que c’est parler en radical de dire qu’il ne faudrait pas rétrécir aujourd’hui le parti conservateur au point de n’y comprendre que ceux qui ont voté contre la république, qui semblent craindre encore de prononcer le nom du gouvernement qu’ils servent ? Mais alors comment M. Dufaure, M. Léon Say sont-ils dans le ministère ? Ce que M. Thiers dit de l’avantage de réunir dans le cadre de la république toutes les bonnes volontés, toutes les forces conservatrices, de quelque côté qu’elles viennent, c’est ce que pensent tous ceux qui ont de la prévoyance, c’est ce que M. le maréchal de Mac-Mahon lui-même a dit dans ses constans appels aux « hommes modérés de tous les partis. » Est-ce que M. Thiers ressemble à un homme qui veut créer des embarras à M. le duc Decazes, lorsqu’il trace de nos intérêts extérieurs, de la situation de la France vis-à-vis de l’Europe, une peinture si pénétrante et si juste ? Que les légitimistes persistent