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prétendues historiques, il suffira de comparer le psaume 3 à sa suscription, qui déclare que ce chant de David eut pour occasion déterminante sa fuite précipitée devant son fils Absalon.

Il faut donc en tout cas diminuer notablement le nombre des psaumes davidiques; mais, à un point de vue plus général, la vie connue de David serait-elle de nature à justifier ce portrait idéal d’un roi profondément religieux qui sait à la fois se battre comme un héros et gravir les sommets les plus élevés du mysticisme? Il s’en faut de beaucoup, et, toutes différences de temps et de mœurs gardées, nous dirions que le roi David tient beaucoup plus du genre d’Henri IV que de celui de saint Louis. David sans doute partagea les croyances de son temps, il fut même dévot envers Jahveh, et les taches qui déparent sa vie n’empêchent pas qu’il ait été religieux à sa manière. De plus il paraît constant qu’il fut dans sa jeunesse habile à chanter en s’accompagnant d’un instrument à cordes, et même qu’il fut poète à la manière du guerrier arabe ou du chevalier-trouvère de notre moyen âge. On le voit quitter très jeune encore les pacages paternels et s’introduire auprès du roi Saül, dont il dissipe par ses chants les accès d’humeur noire; mais de quelle nature étaient ces chants? Étaient-ce des psaumes? Rien n’est moins probable. C’étaient bien plutôt des chansons de geste célébrant des actions héroïques, ou des chants joyeux sans analogie avec des hymnes religieuses. Bientôt, à la suite de sa victoire sur le géant Goliath et de plusieurs autres exploits, David devient l’ami intime de Jonathan, fils du roi, et il conquiert l’épée à la main l’honneur d’épouser l’une des filles de Saül. Trait caractéristique, Saül, qui le haïssait secrètement et qui méditait sa perte, avait exigé de lui comme cadeau de noces qu’il rapportât de son expédition cent prépuces de Philistins. Il en rapporta le double et devint l’époux de Mical; mais, la haine du roi ne cessant de le poursuivre, il se décide à chercher un refuge chez les ennemis de sa nation, chez les Philistins. C’est là qu’il singe la folie; puis à la tête de 400 pillards il se met à butiner sur les pays voisins et devient quelque temps après le vassal d’un roi philistin. Cependant sa popularité grandit toujours, parce qu’il tombe de préférence sur les autres ennemis d’Israël et qu’il en fait d’affreux massacres. Quelques traits d’une grande noblesse, vraiment chevaleresques, achèvent de le rehausser dans l’estime de ses compatriotes, si bien qu’après la mort de Saül et de Jonathan, vaincus dans une bataille contre les Philistins, la tribu de Juda l’appelle au trône. Les onze autres tribus avaient reconnu pour roi un autre fils de Saül, Isboseth; mais la défection de son meilleur capitaine, Abner, qui passa à David, lui fut fatale. Bientôt après, Isboseth fut assassiné par deux de ses officiers ; David devint alors roi de tout Israël. Il est à remarquer