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l’œuvre de ses mains. — Le jour au jour en transmet le message, — une nuit à l’autre en donne connaissance.

« Ce n’est point un discours, ce ne sont pas des paroles, — leur son ne se fait pas entendre. — Toutefois partout leur leçon se propage, — leurs accens vont jusqu’au bout du monde, — où il a établi la tente du soleil.

« Le soleil, tel que le jeune époux, sort de sa chambre, — joyeux comme un guerrier de parcourir sa carrière. — L’un des bouts du ciel et son point de départ, — à l’autre bout son orbite touche, — rien n’est à couvert de son ardeur. »


On s’imaginait en effet que le soleil avait derrière l’horizon un palais ou plutôt, et c’était l’idée la plus ancienne, une tente, où il se reposait des fatigues de la journée. Pourquoi le chantre s’arrête-t-il brusquement après cette peinture du soleil levant? C’est tout simplement parce que son inspiration du moment ne va pas plus loin. Parmi les grands spectacles du monde visible, c’est celui du soleil qui sort (expression usuelle en hébreu, à la place de notre lever) qui lui paraît primer tous les autres. C’est à ses yeux le chapitre par excellence dans la théologie de la nature. Il le dit, et ne lui en demandez pas davantage sous prétexte qu’il faut arrondir mieux que cela une fin de poème; il trouverait votre exigence fort impertinente. Notons, à propos de cette comparaison du soleil levant avec un jeune époux qui sort plein d’ardeur de sa chambre, que de graves commentateurs se sont demandé s’il s’agissait de l’époux avant ou après la noce. Il nous semble que l’esprit de la comparaison est tout en faveur de la première supposition. Le soleil du matin s’élance fougueux comme le fiancé qui sort de chez lui pour aller chercher sa fiancée, et non comme l’époux heureux qui ne doit quitter qu’à regret la chambre nuptiale.

Il y a des psaumes, comme le 116e qui supposent une action partagée entre divers groupes de chanteurs et qui ressemblent de loin à un oratorio. D’autres, comme le 29e s’appliquent à imiter le fracas de l’ouragan. Ailleurs (ps. 104), nous trouvons une amplification poétique du récit de la création d’après la Genèse. Au psaume 18, chant de reconnaissance à l’occasion d’une victoire éclatante, le poète respire encore la fureur du combat. « Ceux qui me haïssent, s’écrie-t-il, je les anéantis, je les broie comme la poussière qu’emporte le vent, je les balaie comme la boue des rues. » On peut dire d’une manière générale que ce qu’il y a de plus rare dans les psaumes, c’est la pitié pour l’adversaire, vaincu ou non. Il n’est pas possible de haïr plus vigoureusement que ces pieux chanteurs. C’est par là surtout que les psaumes trahissent leur provenance juive et qu’ils ont fourni textes et prétextes aux plus tristes excès