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chants populaires et religieux au service des synagogues, ou réunions de prière et d’édification par la parole, qui naquirent pendant l’exil de Babylone chez les Juifs privés de leur temple, et qui demeurèrent en usage lorsque le temple fut reconstruit sous la domination perse. Tandis que ce sanctuaire était et devait rester unique, le seul lieu du monde où le sacrifice fût efficace et le culte sacerdotal légitime, les synagogues se multiplièrent indéfiniment, en dehors comme en dedans des limites de la terre sainte. Ce sont elles en réalité qui firent la Bible, en ce sens que c’est pour répondre à leurs besoins qu’il se constitua un ensemble « d’écritures sacrées » où le Juif fidèle pouvait puiser la connaissance de sa loi et de son histoire nationale, chercher les leçons austères des prophètes et des vieux sages, et choisir des textes dont le développement oral devait alimenter sa foi et ses espérances. Les psaumes furent donc recueillis pour fournir aux synagogues un choix approprié d’hymnes religieuses. Du culte des synagogues, les psaumes passèrent dans celui de l’église chrétienne, qui s’en servit dans toutes ses branches. Chantés en grec dans les églises d’Orient, ils furent psalmodiés en latin dans colles d’Occident, en langue moderne dans les diverses communions protestantes. Parmi ces dernières, il en est même qui refusèrent longtemps d’admettre d’autres chants religieux que ceux d’Israël.

Le texte hébreu est accompagné de certaines indications musicales dont le sens est des plus obscurs, s’il n’est indéchiffrable. Les traducteurs alexandrins eux-mêmes en avaient perdu la clé, et le plus souvent leurs essais d’explication ou bien ne nous apprennent rien, ou bien sont décidément erronés. En fait, nous sommes réduits à la plus complète ignorance au sujet de la vieille musique hébraïque. Il est par exemple un mot, sélah, que l’on remarque fréquemment dans le texte hébreu des psaumes. Ce mot, qui ne ressemble à rien, est regardé généralement comme un terme technique se rapportant à l’exécution musicale; mais que voulait-il dire? Les Septante, qui ont pu sur ce point consacrer une tradition authentique, le traduisent par un mot obscur lui-même, mais qui répondait peut-être à l’idée d’une ritournelle, c’est-à-dire de la répétition d’une mélodie exécutée par les instrumentistes pendant que les chanteurs se reposaient. Il est encore d’autres expressions au sens énigmatique dont les commentateurs n’ont réussi qu’à grand’peine à éclaircir la signification. Ainsi cinquante-quatre psaumes portent en tête un mot qui veut dire au directeur, comme on dirait aujourd’hui au maître de chapelle ou bien au chef d’orchestre, et comme si on les avait remis primitivement à un compositeur pour en régler l’exécution musicale. Les Alexandrins, qui cette fois n’y ont rien compris, rendent cette expression par les mots pour la