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ment dynastique n’était que la sanction. La révolution de février a cela de particulier qu’elle ne s’explique ni par une violation des lois, ni par un mouvement d’opinion irrésistible, ni par une de ces nécessités imprévues qui s’imposent, ni par une impossibilité de progrès régulier. Tout était possible par les manifestations d’opinion, par le jeu naturel des institutions, par l’extension progressive des droits politiques.

Ceux qui ne voient le progrès populaire que dans les révolutions ont été satisfaits ; seulement ils ne se sont pas doutés que les coups d’état populaires dont ils triomphaient conduisaient quelquefois à d’autres coups d’état. Moralement c’est le 24 février que l’empire a commencé à se refaire, apparaissant dans la personne de celui-là même qui devait être Napoléon III, grandissant par le 15 mai, par les journées de juin, par l’éclipsé des idées parlementaires, par l’effarement d’une société menacée, par l’extension indéfinie du suffrage aux masses nourries de gloire napoléonienne. M. Odilon Barrot n’en est point encore au dénoûment ; mais déjà tout est là, dans cette anarchie qu’il décrit. La présidence napoléonienne est dans les journées de juin, l’empire est dans la présidence mise à côté d’une assemblée unique dévorée de divisions, et dans cet empire qui eût été impossible sans la commotion de février, il y a plus que Waterloo et la première invasion, il y a Sedan, Paris assiégé, les provinces perdues et la commune ! Ceux qui en sont encore à célébrer l’anniversaire du 24 février, à glorifier par habitude la révolution de 1848, n’ont qu’à étudier cette histoire, et ceux-là aussi peuvent la relire, qui, sous prétexte de servir la vraie république, trouvent qu’il n’y a rien de mieux à faire que de recommencer ce qu’on a fait, de poursuivre surtout les parlementaires et les libéraux.

Ce qui reste fatalement de cette succession d’épreuves, c’est ce qui se passe aujourd’hui, c’est cette situation où la France est réduite aux plus énergiques et aux plus patiens efforts pour se relever à l’intérieur comme à l’extérieur, pour reprendre par degrés sa place en Europe. Elle est parvenue déjà à surmonter plus d’une difficulté, à déjouer plus d’un péril, et sa sagesse finit par avoir raison des défiances comme des hostilités ; du moins les nuages semblent pour le moment dissipés. Sa condition même lui fait une obligation d’être la plus pacifique parmi les nations, et certainement sa diplomatie n’a pu avoir qu’une action toute pacifique dans cette crise d’Orient qui s’est rouverte récemment par l’insurrection de l’Herzégovine, qui paraît aujourd’hui se dégager de plus en plus de tout ce qu’elle avait de périlleux. De toutes parts en effet les signes de paix reparaissent. Lord Derby, dans une réunion à Liverpool, a considéré presque la question comme terminée. À son tour, le comte Andrassy, dans les délégations autrichienne et hongroise, faisait récemment les déclarations les plus rassurantes sur la politique autrichienne comme sur les chances de paix. D’un autre côté, la Serbie vient d’être le théâtre d’un événement singulier qui a sa signification.