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qui se comptait lui-même parmi les « médaillés de Sainte-Hélène » du romantisme, a écrit l’épitaphe de ces jours passés : « Une sève de vie nouvelle circulait impétueusement, tout germait, tout bourgeonnait, tout éclatait à la fois… Il semblait qu’on vînt de retrouver le grand secret perdu, et cela était vrai, on avait retrouvé la poésie ! »

C’était vrai en effet jusqu’à un certain point ; c’était vrai en ce sens qu’un grand travail s’accomplissait manifestement, et que dans cette explosion bruyante, tumultueuse, excentrique, il y avait du moins le souffle de la vie. Ce romantisme d’autrefois, qui n’est plus qu’une légende recueillie par la piété humoristique de Théophile Gautier, c’est une révolution, ou plutôt c’est la révolution française elle-même passant de la politique dans les lettres ; c’est l’apparition d’un esprit nouveau dans toutes les sphères de la pensée, de l’imagination, des arts, et certes peu d’époques littéraires ont eu l’éclat de cette renaissance de la restauration, qui a été comme la jeunesse intellectuelle du siècle s’épanouissant au lendemain des agitations guerrières du premier empire. On aurait dit qu’une France nouvelle se dégageait plus libérale, plus brillante, comme pour se dédommager des amertumes de la défaite et de l’invasion, comme pour reconquérir par l’esprit un ascendant perdu par les armes. Ce romantisme, il a eu sans doute la destinée de toutes les révolutions, surtout de celle dont il semblait être le prolongement littéraire ; il a eu son 1789 et son 1793, ses libéraux, ses terroristes et ses muscadins, sa fécondité, ses corruptions, ses excès, ses ambitions déçues, ses puérilités ; il a eu, lui aussi, sa grandeur et sa décadence. Dans son origine et dans son ensemble, il n’est pas moins resté l’expression d’un des plus énergiques réveils de l’esprit humain, d’un mouvement inauguré au seuil du siècle par Chateaubriand, par Mme de Staël, momentanément intercepté ou ralenti par l’empire, lié à ce travail de rénovation universelle qui s’accomplissait en Angleterre, en Allemagne comme en Italie. De toutes parts, c’était le même principe d’émancipation, le même effort pour échapper à la tyrannie des formes épuisées, des traditions vieillies, pour retrouver une originalité nouvelle appropriée à tout un monde nouveau d’idées, d’impressions et de sentimens dans une société qui avait assisté à tous les spectacles, qui avait tout vu, tout connu et tout éprouvé. C’est là l’essence intime et sérieuse de cette renaissance qui s’est appelée romantique faute d’un autre nom, dont le résultat définitif a été une littérature qui a surtout brillé entre 1815 et 1840, qui a passé par toutes les phases, remplissant un quart de siècle de ses œuvres, de ses tentatives et de ses aventures.

Le plus beau moment dans une révolution littéraire comme dans