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à tous les sacrifices. L’accord une fois fait sur ces bases, M. Tejedor fut invité à se rendre à Rio ; on l’assurait que toutes les difficultés seraient aplanies ; le Paraguay se lit de son côté représenter par M. Sosa comme envoyé extraordinaire ; la réunion eut lieu en mai. Il ne s’agissait et il ne pouvait s’agir que d’un traité spécial entre la république argentine et celle du Paraguay. Par un singulier bouleversement, après que le Brésil avait pour sa part signé des conventions a sa convenance, ce traité venait se discuter à Rio en présence de plénipotentiaires brésiliens, prenant part à la rédaction de protocoles sur une question de limites où le Brésil n’avait pas d’intérêt direct. Par un événement que n’avaient point prévu les ministres brésiliens, les deux plénipotentiaires argentin et paraguayen tombèrent d’accord, et, après deux conférences, signèrent un traité ad référendum, admettant les limites du Pilcomayo, la possession de la Ville-Occidentale en faveur de la république argentine, reconnaissant en même temps sa souveraineté sur l’île de Cerrito.

Le Brésil avait compté sur un désaccord, il avait même conseillé dans ce sens M. Sosa, et avait mis en avant une proposition d’arbitrage qui laissait pour longtemps la question en litige et éternisait son occupation de l’île de Cerrito. Il échoua sur tous les points, mais les hommes d’état brésiliens, loin de considérer ce dénoûment comme définitif, ne pouvant du reste s’opposer à la signature de traités où ils n’étaient pas partie, mirent tout en œuvre pour en amener l’annulation. M. Tejedor et M. Sosa, ne jugeant pas utile d’envoyer un courrier de cabinet spécial porter le texte du traité à Buenos-Ayres et à l’Assomption, avaient confié leurs plis à la poste brésilienne ; le gouvernement les garda et expédia en toute hâte un aviso à d’Assomption pour intimer au gouvernement paraguayen l’ordre de repousser les traités signés ad referendum, dont il remettait en même temps une copie sans aucun caractère d’authenticité. Le gouvernement se soumit à ces injonctions, blâma publiquement son envoyé et refusa son approbation aux traités signés : une fois encore la politique brésilienne replongeait l’avenir de ces pays dans l’obscurité et l’incertitude.

Telle est la situation épineuse créée aux alliés par un traité de paix et d’alliance perpétuelle plus pernicieux mille fois que l’état d’antipathie dans lequel on avait toujours vécu. Le Brésil est resté fidèle à sa vieille politique ; de tout temps il n’a cessé de lutter pour obtenir la domination des affluens de la Plata. Sa dernière tentative datait de 1840, où l’intervention de l’Angleterre et de la France arrêta ses prétentions sur l’île de Martin-Garcia, placée entre le Paranà-Guazu et l’Uruguay, au confluent de ces deux immenses