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questions de limite et d’indemnités devaient être jugées sur pièces et sur titres.

Tout alla bien jusqu’en mai 1871 : le gouvernement républicain s’était définitivement constitué au Paraguay, le président constitutionnel, M. Rivarola, avait été régulièrement installé, le congrès élu, une constitution votée. Les alliés, pendant ces opérations, s’étaient réunis à Buenos-Ayres, et leurs ministres respectifs avaient consigné leurs accords dans huit protocoles qui contenaient en substance les différens articles du traité de paix qu’on allait proposer au Paraguay. Toutes les questions y étaient résolues, sauf celle de la fixation des limites, réservée pour être réglée dans des traités annexes qui devaient être signés avec intervention de la Bolivie. On pouvait croire qu’il ne restait plus à vider entre les alliés aucune question de fond, lorsqu’un changement de personnes dans la représentation brésilienne fit subitement prendre aux négociations un tour peu amical.

Le baron de Cotegipe, dont le nom a pris une signification caractéristique dans tous ces événemens, fut envoyé par le gouvernement brésilien pour conclure avec le Paraguay le traité définitif de paix que le docteur Quintana allait conjointement négocier pour la république argentine. Des agitations intérieures qui substituaient M. Jovellanos à M. Rivarola comme président après une dissolution violente du congrès paraguayen retardèrent les négociations, et ce ne fut qu’à la fin de 1871 que les ministres venus pour traiter se trouvèrent enfin réunis pour cet objet. Leur conduite était toute tracée par les protocoles de Buenos-Ayres, qui fixaient le point de départ et le point d’arrivée des négociations projetées ; cependant le ministre brésilien, par une exigence inattendue, en demanda la révision. Il prétendait rompre la solidarité de l’alliance en réclamant pour chacun des alliés le droit de faire des arrangemens séparés avec le vaincu, et insistait pour faire accepter en principe l’occupation, militaire des territoires de ce dernier, le ministre argentin, ayant refusé de traiter sur ces bases, se retira à Buenos-Ayres, Ce ne fut donc pas sans un profond étonnement que l’on apprit le 1er février 1872 que le baron de Cotegipe avait, aussitôt le départ de M. Quintana, traité séparément avec le Paraguay. Les articles bientôt connus de ce traité dépassaient encore ce que l’on pouvait craindre à Buenos-Ayres ; il réservait en effet au Brésil le droit de conserver pour un temps indéfini les forces qu’il considérerait nécessaires à l’accomplissement de ses arrangemens, et garantissait pour cinq ans l’intégrité du territoire paraguayen. Les explications données par le Brésil, loin d’atténuer la portée de cet acte, ne faisaient que l’aggraver ; le protectorat improvisé qu’il s’attribuait sur le Paraguay