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sous-sol dont elles sont en quelque sorte le manteau, et dans lesquelles le botaniste retrouve en été presque tous les spécimens de la flore champêtre de la France. L’eau qui s’infiltre sous ce terrain, dont elle a elle-même charrié les divers élémens ; en fait pendant l’hiver un marais impraticable. A côté de ces prairies marécageuses, on rencontre d’immenses plaines recouvertes de blocs de basalte et parsemées de fondrières des plus dangereuses, dont aucun signe extérieur ne dénote l’existence. Parfois aussi ce sont des plateaux sur lesquels les vagues d’une mer de lave semblent s’être brusquement figées, d’épais massifs de roches basaltiques, ou de longues plaines de sable, lits desséchés de rivières aujourd’hui taries. Aucun budget ne serait assez riche, on le voit, pour subvenir aux frais de construction et d’entretien des routes d’un semblable pays. Les voitures y sont également inconnues, et les voyages ainsi que les transports s’y font exclusivement à l’aide des chevaux indigènes, dont la constitution robuste résiste aux saisons les plus rigoureuses, comme aux fatigues les plus excessives. Petits de taille, sobres, patiens, vigoureux, ces intelligens animaux se rapprochent beaucoup comme race du cheval corse ou du cheval des Pyrénées. Leur douceur est telle que le cavalier le plus inexpérimenté peut les monter sans crainte, et leur instinct si sûr que, dans les passages les plus difficiles, ce qu’on a.de mieux à faire pour éviter tout accident est de se laisser guider par eux. On en exporte chaque année 3,000 ou 4,000 en Angleterre, où leur petite taille les fait rechercher pour le service des mines. Cette exportation représente pour le pays un revenu de près de 1,500,000 francs, chiffre qui s’accroîtra certainement par la suite, car le prix du cheval, qui n’atteignait pas 100 francs il y a dix ans, s’élève maintenant à 350 ou 400 francs.

Les prix de toutes les autres productions de l’île se sont également accrus depuis un certain temps dans des proportions analogues ; les fourrures s’y vendent à présent aussi cher qu’à Copenhague. L’astrakan, les peaux de mouton, de cygne et de renards bleus ou blancs, y sont assez communes. Les peaux de renne deviennent rares, les troupeaux se réfugiant dans les parties inhabitées de l’intérieur de l’île, où l’on ne peut songer à les poursuivre.

Les eiders ou canards-édredon donnent également des bénéfices considérables, qui expliquent les mesures prises pour assurer la conservation de ces précieux palmipèdes. Il est non-seulement défendu de les chasser, mais de tirer des coups de fusil dans les endroits qu’ils fréquentent, de peur de les effrayer. Aussi deviennent-ils si familiers qu’au lieu de se sauver à l’approche de l’homme, ils