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de pêche et sont autorisés en cette qualité à exercer des commandemens. Capitaine au long cours, maître au cabotage ou maître de pêche, le capitaine n’est le plus souvent que le premier pêcheur de son bord. A moins d’une clause stipulée au départ de France devant le commissaire de l’inscription maritime, il est assujetti à la pêche comme le dernier de ses matelots. Son autorité est d’autant plus contestée que les moyens de répression lui manquent pour la maintenir, et que, les salaires étant ordinairement calculés sur le produit total de la pêche, ses hommes sont toujours disposés à voir en lui un associé plutôt qu’un chef. C’est lui qui compte et inscrit le nombre de morues pêchées par chaque homme, qui distribue les vivres journaliers et qui souvent même est chargé du soin de faire la cuisine ! Son second n’est qu’un matelot comme les autres, pêcheur plus adroit, plus expérimenté et partant mieux payé. Viennent ensuite le trancheur, qui coupe la tête de la morue, l’ouvre et la vide, — le saleur, qui la lave et la sale, — le tonnelier, qui la dispose et la renferme dans les barils. L’ensemble de ce personnel forme ordinairement une association dans laquelle les salaires individuels sont proportionnés aux résultats de la pêche collective. Le mode de répartition de ses salaires varie selon les ports et les armateurs. Le système le plus habituellement usité est celui du paiement au last[1]. Quelques armateurs ont adopté le paiement à la pièce, le salaire est alors calculé sur le nombre de poissons pris par chaque homme : 10 centimes par pièce en moyenne. Le pêcheur doit avoir soin, chaque fois que sa ligne ramène une morue, d’en couper la langue, qu’il renferme dans un sac suspendu à sa ceinture. Quand vient l’heure du repos, il porte ces langues au capitaine, qui les compte et en inscrit le nombre sur un registre ad hoc. Il faut que le capitaine conserve ces langues dans l’endroit le plus inaccessible à l’équipage ; sans cela, les mêmes lui seraient représentées un nombre indéterminé de fois, et la quantité de poisson à payer finirait par dépasser considérablement le butin réellement pris.

Lorsque les salaires sont calculés sur la totalité de la pêche et non sur les quantités prises individuellement, la somme allouée par last n’est pas uniforme : elle est débattue par chaque homme avant son engagement ; c’est en moyenne de 15 à 20 francs pour les matelots. La part du capitaine s’élève à 30 et 35 francs. Quelques armateurs abandonnent pour tout salaire aux équipages le cinquième

  1. Le last représente un poids de morues variant suivant les localités entre 1,500 et 2,000 kilogrammes. Le nombre de poissons équivalent à ce poids varie lui-même selon les lieux de provenance. Dans le nord de l’Islande, le last est de 1,200 morues, de 900 dans l’est, et de 700 à 800 dans le sud.