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s’était laissé entraîner dans cette négociation secrète sur la Belgique qui devait être si fatale à la France.

Ce ne sont pas probablement les angoisses patriotiques attribuées par nous à M. Benedetti au lendemain de Sadowa qui ont pu lui porter ombrage. Seraient-ce donc les sympathies italiennes dont nous lui avons fait crédit qui ont éveillé ses susceptibilités ? Mais le penchant prononcé pour la patrie et la cause de M. de Cavour a été le trait principal et marquant de la vie politique de l’ancien ambassadeur de France près la cour de Berlin ; au vu et au su de tout le monde, M. Benedetti a compté de tout temps parmi les membres les plus distingués d’un parti qui a eu une influence très grande dans les conseils du second empire, d’un parti qui considérait l’unité italienne comme l’œuvre la plus glorieuse du règne, la plus utile pour la France, et aux yeux duquel le connubio de l’Italie et de la Prusse paraissait une bonne fortune immense pour la politique impériale, une victoire éclatante remportée sur l’ancien ordre des choses, au profit du « droit nouveau » et des idées napoléoniennes ! La carrière diplomatique fourme par M. Benedetti présente même à cet égard un caractère d’unité et d’indivisibilité qui fera l’éternelle admiration de tous les patriotes italiens. En 1860, il avait négocié et mené à bonne fin le traité sur la Savoie et Nice, en échange duquel le gouvernement impérial laissa déchirer le traité de Zurich, et consacra implicitement les annexions de la Toscane et de l’Emilie. En 1861, il fut nommé ministre plénipotentiaire de France à Turin, comme pour consoler l’Italie de la mort récente de M. de Cavour, pour rétablir en tout cas au-delà des Alpes les rapports amicaux que l’invasion du royaume de Naples avait un moment fortement compromis. Dans l’été de l’année suivante (août 1862), l’harmonie fut de nouveau troublée entre la France et l’Italie, à la suite d’Aspromonte et de la circulaire du général Ourando, du 10 septembre, qui demandait l’évacuation de Rome. M. Thouvenel dut alors quitter l’hôtel du quai d’Orsay en cédant la place à M. Drouyn de Lhuys, et M. Benedetti, ainsi que son collègue de Rome, M. de Lavalette, s’empressa de donner sa démission pour marquer avec éclat sa désapprobation à l’égard d’un système devenu moins favorable aux aspirations de l’Italie. Il ne rentra dans la carrière que deux ans plus tard, le 7 octobre 1864. après que la convention du 15 septembre eut donné satisfaction aux vœux du cabinet de Turin concernant Rome, après aussi que M. de Bismarck eut passé par Paris et y eut posé les premiers jalons de la grande combinaison contre l’Autriche. Le poste de Berlin fut alors érigé en ambassade, et M. Benedetti en devint le titulaire. Son ancien collègue de Rome, M. de Lavalette, ne tarda pas, lui non plus, à venir siéger dans les conseils de l’empire, et au même moment le général La Marmora, bien connu pour sa prussomanie, prenait la direction des affaires à Turin. Aussi dès le commencement de l’année 1865,