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cabinet même du regretté Agassiz à Cambridge, Massachusetts. « Le pétrole, disait-il, n’est comme la houille que le produit de la décomposition lente de matières végétales, avec cette différence que les plantes qui ont concouru à former la houille étaient des plantes terrestres à tissu fibreux, et que ce tissu ne peut jamais disparaître, même dans la carbonisation artificielle, comme on le voit par le charbon de bois. Au contraire les plantes qui ont concouru à la formation du pétrole étaient des plantes marines, à texture purement cellulaire. Dans la décomposition de ces plantes, toute trace du tissu primitif a disparu, et la matière bitumineuse seule est restée, imprégnée dans le grès, les schistes, ou accumulée dans des cavités souterraines. Et cela est si vrai que des empreintes de plantes marines ou fucoïdes, les varechs, les fucus, les algues de ces mers primordiales du globe, se retrouvent dans les grès, les calcaires, les ardoises, qui accompagnent les dépôts de pétrole. Les gaz produits par la décomposition de ces végétaux marins sont également demeurés emprisonnés avec la matière huileuse, et l’eau salée elle-même, qui se retrouve avec ces gaz et l’huile minérale, n’est que le résidu des eaux marines qui couvraient alors la partie du sol où pullulaient ces fucoïdes. Qu’a-t-il fallu pour retenir, pour emmagasiner souterrainement tous ces produits ? Un lit de roches argileuses, imperméables, qui s’est formé au-dessus d’eux. Quand la sonde déchire quelque part ce bouchon naturel, l’huile, le gaz, l’eau salée, montent au jour comme fait une source artésienne. » On ne peut véritablement opposer aucune objection sérieuse à ces preuves fournies par l’éminent botaniste qui, compatriote d’Agassiz et émigré comme lui aux États-Unis en 1847, a contribué comme lui à donner à la science américaine une allure à la fois si originale et si pratique.

On ne peut pas dire encore du pétrole comme de la houille, qu’il est un élément indispensable à la civilisation contemporaine ; il n’en est pas moins devenu l’un de ses auxiliaires. C’est l’éclairage à bon marché qui a fait invasion dans nos sociétés démocratiques, et un éclairage en même temps le plus brillant, le plus propre, le plus élégant de tous. Il ne demande aucun entretien, la mèche n’a jamais besoin d’être mouchée, et l’huile ne laisse aucune tache persistante. Cela étant, on se demande comment il n’est pas plus répandu en France. C’est la crainte des explosions, dira-t-on ; mais, quand le pétrole est bien raffiné, les explosions sont impossibles, et il est facile de s’en assurer en jetant une allumette enflammée dans une soucoupe à moitié remplie de pétrole : elle s’éteint immédiatement. Chacun peut tenter cette expérience sans danger, et, si le pétrole est impur et qu’une petite explosion ait lieu, comme avec l’alcool, découvrir ainsi la fraude de ces marchands éhontés qui