Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 11.djvu/668

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

magnifique. Les cours d’eau qui l’arrosent roulent à travers des roches schisteuses, feuilletées, distribuées pittoresquement, des eaux claires, poissonneuses, teintées de vert. Une partie de ces cours d’eau est naturellement navigable, l’autre a été canalisée, et il est commun de voir les canaux aller parallèlement avec le rail, qui s’allonge ici de tous côtés. La voie d’eau, bien que moins rapide, est plus économique que la voie ferrée, ce dont il faut tenir compte dans le transport des charbons. Les arbres qui couronnent la crête et le flanc des vallées, les chênes, les hêtres, le châtaignier, le noyer, l’érable, et sur les plus hautes cimes les pins et les sapins, distribuent partout la verdure et l’ombre, et maintiennent dans l’air une humidité bienfaisante. Ces forêts ont été de tout temps exploitées. Les troncs les plus gros, les plus sains, abattus à la hache, débités à la scie, fournissent au mineur une partie des étais dont il a besoin pour soutenir ses puits, ses galeries, ou les pièces équarries qui lui servent à façonner la charpente des engins particuliers qu’il emploie.

Dans cet état de Pensylvanie, caressé avec tant d’amour par la nature, l’histoire commence de bonne heure ; il faut remonter à deux siècles pour arriver aux temps héroïques de la colonisation, si rapprochés du présent pour d’autres états. Nous sommes sur la terre de Penn, l’hôte fidèle et pacifique des Indiens Delawares, tout près de Philadelphie, la cité de l’amour fraternel, qu’il fonda en 1682, — à Reading, dont les quakers jetèrent également la première pierre vers le milieu du siècle passé. Peu de villes américaines sont aussi heureusement situées et aussi belles que celle-ci. Elle domine une riche plaine semée de céréales, bornée à l’horizon par la ligne bleue et doucement ondulée des montagnes. Reading montre avec orgueil aux visiteurs sa cour de justice, ses églises monumentales et son joli cimetière, qui, dans ce pays où le champ de l’éternel sommeil est transformé partout en jardins fleuris et en promenades pleines d’ombre, mérite encore d’être cité.

Franchissons les années et regardons autour de nous. De nouveaux centres de population se sont créés, Pottsville, Tamaqua, Danville, Allentown, Scranton, Wilkesbarre, séjour des mineurs, des fondeurs, des forgerons, des mariniers, — Williamsport, où sont d’importantes scieries de bois, Harrisburg, qui renferme après Pittsburg les plus vastes fonderies, les plus grandes forges et fabriques d’acier. Partout règne l’aisance, ce qu’on nomme ici le comfort ; partout des magasins abondamment pourvus, des rues bien alignées, des places larges, aérées, plantées d’arbres, des édifices élégans, somptueux. Le bien-être général réagit sur les habitudes privées. Il y a dans quelques cottages de mineurs, entourés d’un jardin, une espèce de luxe ; on ne se contente pas du nécessaire, on