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avec la précision quand les procédés photographiques auront été assez perfectionnés pour être appliqués à la reproduction des groupes d’étoiles. Il paraît que M. Rutherfurd, en Amérique, a déjà obtenu dans cette voie des résultats très satisfaisans qui font espérer que le problème sera bientôt résolu.

Les mouvemens propres qui ont été constatés par la comparaison des catalogues sont en général des déplacemens progressifs qui augmentent d’une manière continue avec le temps. Quelquefois ils sont affectés d’inégalités périodiques qui révèlent soit une parallaxe annuelle, soit une orbite à longue période que l’étoile décrit autour d’un foyer d’attraction voisin ; même dans ce cas on constate en outre un mouvement progressif. Que signifient ces mouvemens propres rectilignes et continus ? Ce sont évidemment les indices différentiels d’un immense tourbillon qui emporte aussi bien notre système solaire que les mondes les plus lointains vers des régions inconnues. « Supposons un instant, dit Humboldt, qu’un rêve de l’imagination se réalise, que nôtre vue, dépassant les limites de la vision télescopique, acquière une puissance surnaturelle, que nos sensations de durée se contractent de manière à comprendre les plus grands intervalles de temps de même que nos yeux perçoivent les plus petites parties de l’étendue : aussitôt disparaît l’immobilité apparente qui règne dans les cieux. Les étoiles sans nombre sont emportées, comme des nuages de poussière, dans des directions opposées, les nébuleuses errantes se condensent ou se dissolvent, la voie lactée se divise par places comme une immense ceinture qui se déchirerait en lambeaux ; partout le mouvement règne dans les espaces célestes, de même qu’il règne sur la terre en chaque point de ce riche tapis de végétation dont les rejetons, les feuilles et les fleurs présentent le spectacle d’un perpétuel développement. »

La détermination des mouvemens propres est un des problèmes les plus intéressans, mais aussi l’un des plus délicats de l’astronomie moderne. On n’a encore pu trouver qu’une soixantaine d’étoiles qui se déplacent de plus d’une seconde par an, et dans la grande généralité des cas le mouvement annuel est beaucoup plus petit. Des quantités aussi faibles sont nécessairement difficiles à mesurer. Les petites différences qu’on désigne sous le nom de mouvemens propres sont souvent un mélange inextricable de variations réelles et d’erreurs d’observation ou de réduction, d’autant plus difficiles à débrouiller que les variations sont ici du même ordre ou même plus petites que les erreurs : les mailles du filet sont en quelque sorte trop larges pour les arrêter. Ce qui est triste à dire, c’est que les erreurs sont peut-être une fois sur deux des fautes de transcription ou de réduction, qui n’ont point pour excuse la hâte avec