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à peu près toutes celles qu’on peut d’ordinaire distinguer à l’œil nu, dépasse à peine 5,000 pour le ciel entier, et sous nos latitudes on n’en aperçoit guère que 4,000 ; mais le nombre total de celles qu’on discerne à l’aide des meilleurs télescopes peut être porté à plus de 80 millions. Lorsqu’on opère sur de pareils nombres, la statistique marche d’un pas assuré, et les résultats moyens méritent une certaine confiance.

Où sont maintenant les bornes de l’univers ? Quelles sont les distances au-delà desquelles nul regard humain n’a pu sonder les abîmes de l’espace ? Aux limites de la visibilité se trouvent ces points lumineux à peine perceptibles dans lesquels se résolvent certaines nébuleuses observées avec les télescopes de William Herschel ou de lord Rosse. En tenant compte de la puissance de pénétration de ses grands télescopes, Herschel estime qu’il a pu distinguer des étoiles situées à des distances qui surpassent plus de 2,000 fois la distance moyenne des étoiles du premier ordre. Parmi les nébuleuses non résolubles en amas d’étoiles, qui malgré la faiblesse de leur lumière deviennent encore visibles parce qu’elles occupent une certaine surface, il y en a probablement un grand nombre qu’on peut supposer beaucoup plus éloignées : quelques-unes gravitent à des distances qui surpassent 3,000 ou 4,000 fois celle de Sirius. Ainsi l’œil, en pénétrant dans les profondeurs du ciel, atteint des régions d’où la lumière met 60,000 ans à nous parvenir ; je ne parle même pas de certaines estimations de W. Herschel qui reculent les nébuleuses les plus faibles à plus de 2 millions d’années. Les nébuleuses que nous croyons apercevoir dans une certaine direction s’y trouvaient donc il y a quelques centaines de siècles, mais rien ne nous prouve qu’elles y soient encore, et nous n’avons aucun moyen de savoir ce qu’elles sont devenues ; les rayons qu’elles émettent aujourd’hui, — si tant est qu’elles existent toujours, — n’arriveront à la terre que dans un avenir lointain. A mesure que s’accroîtra le pouvoir optique des lunettes, nous réussirons sans doute à découvrir des témoins encore bien plus anciens de l’existence de la matière. En attendant, n’est-ce pas un fait digne d’occuper les méditations des philosophes, que le télescope nous permette à toute heure de nous reculer de cent siècles et de plonger nos regards dans la création antédiluvienne, qui continue d’être visible après avoir peut-être cessé d’exister ? Car les images de tout ce qui a été cheminent toujours dans l’éther infini.


II.

Les petits déplacemens qui résultent des parallaxes annuelles sont des oscillations périodiques que les étoiles nous paraissent