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affaires que ses propres membres. Qu’une difficulté s’élève entre un étranger et un membre, le comité ne recevra de plainte que si par une demande spéciale le plaignant s’engage à se conformer à ces règles en dehors de toute procédure civile ou criminelle. C’est une élection de domicile en quelque sorte et de jurisprudence privée.

L’exclusion des tiers a lieu non-seulement pour leurs affaires, mais aussi pour leurs personnes. Chez nous, les femmes seules ne peuvent franchir l’entrée des bourses, mais le public tout entier pénètre dans les salles, à certains jours l’affluence est immense. Au stock-exchange, les membres de la corporation seuls sont admis. Si pour les transferts la signature d’un tiers est requise, elle se donne dans les bureaux adjacens où l’on entre par le dehors, mais dans le sanctuaire réservé aucun profane ne peut être vu : on cite le cas exceptionnel où, la curiosité ayant poussé à s’y introduire le fils d’un des banquiers étrangers les plus estimés, il en fut bientôt expulsé avec un empressement quelque peu démonstratif.

Comment expliquer avec ces restrictions, ce manque de publicité et de bruit, l’activité si grande des transactions du stock-exchange qui en a fait si longtemps le principal marché du monde pour les valeurs mobilières, et comment le progrès de ces transactions elles-mêmes n’a-t-il pas amené l’abaissement des barrières ainsi posées ? A cet égard, il faut bien se rendre compte de la différence des mœurs financières de l’Angleterre et de celles de la France. Quoi qu’on en pense, l’usage des valeurs mobilières, tout en atteignant peut-être des chiffres encore en ce moment moindres chez nous, est plus universellement répandu ; pour se servir d’une expression consacrée, il est plus démocratisé. Notre rente passe en bien plus de mains et se fractionne par de bien plus petites coupures que la rente anglaise : nous avons aussi une plus grande quantité de valeurs à revenu plus rémunérateur, les actions, les obligations de chemins de fer par exemple, qui attirent les petits capitaux. Il y a très peu de temps que le crédit commanditaire fonctionne en Angleterre ; naguère tout associé était associé en nom collectif : de là une grande difficulté pour les prises d’actions industrielles. Il en est autrement chez nous. Cette participation de tous aux titres mobiliers justifie donc l’organisation intérieure de nos bourses, et rend éminemment utile la composition privilégiée de corps d’officiers ministériels que couvre et surveille l’autorité gouvernementale. En Angleterre, il n’en est point de même : les transactions mobilières ont pour principal objet des valeurs étrangères inconnues aux petites gens. Elles s’opèrent par chiffres énormes, et par cela même elles sont l’apanage de quelques-uns. Le stock-exchange forme donc une corporation de privilégiés dont les relations s’étendent dans le nouveau aussi bien que dans l’ancien monde. Adapté aux mœurs du pays, ce