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rue Taitbout à la rue Drouot. A peine la cloche a-t-elle sonné l’heure de l’ouverture que tout le mouvement se concentre autour de la corbeille et du parquet qui occupent le fond de la salle. Les commis transportent les ordres aux agens et en reçoivent les réponses pour les transmettre aux cliens qui garnissent les bords de la salle ou les couloirs à l’extérieur : un tumulte de voix s’élève si bruyant et si fort qu’on croirait à une lutte plutôt qu’à une proclamation pacifique d’offres et de demandes : les employés porteurs de feuilles de papier sur lesquelles sont inscrits les cours s’empressent de les porter au dehors chez les banquiers, qui les attendent à domicile ; les voitures partent et reviennent avec une rapidité fiévreuse, les porteurs de dépêches télégraphiques circulent. C’est pour le service de la Bourse que les derniers vélocipèdes ont conservé leur rôle de courriers utiles ; une nouvelle industrie enfin a créé des appareils télégraphiques qui, partant du palais de la Bourse, traduisent dans le cabinet de chaque abonné, sur une bande de papier se déroulant sans cesse, les cours de la Bourse de Paris à la minute où ils se font, ceux de toutes les places étrangères au moment où ils arrivent.

Les séances de la Bourse donnent à ceux qui s’y intéressent le spectacle d’une activité dans les hommes et dans les choses que ne sauraient imaginer ceux qui n’en ont point été témoins ; mais c’est par d’autres mérites que cette rapidité des informations que se recommande la compagnie des agens de change de Paris. Au nombre de 60, nommés par le chef de l’état sur la présentation de leur chambre syndicale et après acceptation du ministre des finances, ils ont seuls le privilège de constater le cours du change, celui des effets publics, des marchandises d’or et d’argent, et de justifier devant les tribunaux et les arbitres la vérité et le taux des négociations, c’est-à-dire des ventes et des achats. Comme officiers ministériels, ils justifient l’identité des signatures apposées sur les transferts des rentes ou des valeurs nominatives, ils sont responsables de l’emploi légal ou du réemploi des capitaux appartenant aux mineurs, femmes mariées, etc. En vertu de leur privilège, ils peuvent requérir l’application de la loi du 28 ventôse an IX, qui frappe d’une amende du sixième au plus et du douzième au moins de leur cautionnement tout individu qui exercerait indûment leurs fonctions ; inutile d’ajouter que l’existence publiquement avouée du marché libre démontre l’inanité de cette prescription. Enfin ils jouissent du droit de présentation formulé dans l’article 91 de la loi des finances de 1816, c’est-à-dire qu’ils désignent leur successeur, et que cette disposition, dont un règlement d’administration publique, jusqu’ici non encore rendu, devait fixer l’exercice, a constitué pour les agens de change de Paris une propriété véritable, vénale et