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et demi. Ses attributions n’ont pas changé, pas plus que ses devoirs et sa rémunération. Les opérations se font à heures fixes dans un lieu spécial ; il en était sous Philippe le Bel sur le Grand-Pont, nommé pour cette raison le Pont-au-Change, comme aujourd’hui à la Bourse, au parquet : on appelle ainsi un plancher entouré de grilles pour en défendre l’abord au public, sur lequel se tiennent les agens ; aussi dit-on d’un titulaire nouvellement nommé qu’il monte au parquet. Au milieu est réservé un espace circulaire garni d’une balustrade à hauteur d’appui qu’on nomme la corbeille, et autour de laquelle s’accoudent les agens pour être plus à portée de se voir, de se parler et de s’entendre ; c’est là qu’ils échangent leurs offres et leurs demandes, qu’ils fixent le cours des effets publics. Un crieur se tient à leur portée, qui répète les prix à haute voix et les inscrit sur des feuilles à l’aide desquelles les agens, après la Bourse, composent chaque jour la cote officielle de toutes les valeurs. L’organisation matérielle de ce qu’on pourrait nommer les séances quotidiennes de la Bourse de Paris et la rapidité avec laquelle les informations en parviennent au dehors ne laissent rien à désirer. Malgré le bruit et le tumulte apparent qui y règnent, surtout dans les momens de crise, un observateur attentif en est pleinement satisfait. Quelques minutes avant l’ouverture, tous les abords du temple que la ville de Paris a affecté aux opérations d’achat et de vente des valeurs mobilières, et d’où le tribunal de commerce, hôte du premier étage, a dû sortir comme étant trop à l’étroit, sont envahis par un flot d’hommes affairés, parmi lesquels les jeunes gens dominent ; ceux-ci, commis d’agens de change, associés, remisiers, coulissiers, vont se placer soit aux petits parquets attenant à la grille du parquet proprement dit, où se traitent avant la Bourse les négociations au comptant, qui, faute d’un cours officiel non encore proclamé, se font d’avance au premier cours ou au cours moyen de la bourse qui va s’ouvrir, soit dans les côtés de la grande salle appelée Bourse, au coin à gauche où se négocient les valeurs hors parquet, c’est-à-dire celles qui se traitent sur le marché libre.

Peu de personnes en effet ignorent qu’à côté du marché officiel se tiennent et un marché libre de rentes et un marché libre de valeurs non figurant à la cote officielle, ce que l’on nomme en terme du métier les coulisses, marchés où les transactions sont au moins aussi importantes qu’au parquet, et dont à diverses reprises le caractère, le crédit et l’habileté ont été signalés ici même. Il est bien rare qu’avant l’ouverture de la Bourse ces marchés soient déserts : quand les circonstances sont graves, ils présentent une animation extrême aussi bien que ceux qui se tiennent chaque soir et par les mêmes personnes sur le boulevard des Italiens, en plein air, de la