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croissant des opérations de bourse, l’accumulation des profits qui en résultent pour les intermédiaires, il eût été cependant permis de croire que le privilège par exemple concédé aux agens de change de se maintenir à un nombre déterminé, de vendre leur charge au plus offrant et sous des conditions disciplinaires faciles à remplir, aurait soulevé des objections de plus en plus fondées et suscité des jalousies dont le pouvoir législatif, quel qu’il fût, n’aurait pu manquer de tenir compte. Or en fait de privilège, non-seulement on s’est contenté d’abolir le plus inoffensif de tous, celui des courtiers de commerce, mais encore le silence le plus complet s’est fait sur le principe même de la vénalité : le public témoigne à cet égard une indifférence totale, si même il ne semble pas considérer comme entièrement satisfaisant le régime en vigueur. Certes cette disposition ne tient ni à l’ignorance ni à l’incurie. Les intérêts dont il s’agit sont doués d’une clairvoyance et d’une ténacité sans égales. La cause, il faut bien le reconnaître, en est dans la sécurité parfaite, la prudence consommée, avec lesquelles fonctionne le régime auquel est soumis chez nous le marché des valeurs mobilières. Quelques détails sur ce régime et sur celui de nos voisins justifieront amplement cette assertion.


I

Sans remonter aux plus lointaines origines des charges vénales, à François Ier et à Charles IX, au paiement de la paulette et au droit de survivance, il est facile de constater que le privilège d’exercer des fonctions spéciales moyennant finance et de vendre ce privilège à un successeur s’est perpétué en France sous tous les régimes, et a survécu aux réformes qui l’avaient à une ou deux reprises aboli. La même cause a produit les mêmes effets, à savoir : la nécessité, pour la confection de certains actes et la négociation de certaines valeurs, de n’en point charger le premier venu ; on ne peut en effet trouver mauvais, tout en désapprouvant l’expédient qui consistait à battre monnaie en créant des charges et en les vendant, que le gouvernement, ou par l’investiture officielle, ou en favorisant des corporations indépendantes de lui, mais de constitution exclusive, ait réclamé pour l’exercice de fonctions délicates quelques garanties de capacité et de solvabilité. A travers toutes les transformations des charges et les modifications de la législation, corrigées le plus souvent par les mœurs, après la diminution, l’augmentation et la limitation définitive du nombre des offices ministériels, un fait ressort consacré par l’usage et par le temps : la translation d’un titre entourée de garanties pécuniaires dont la première est le cautionnement, fortifiée de l’accumulation des traditions et des ressources