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déclara « qu’il ne reconnaissait à personne le droit de se mêler directement ou indirectement des affaires qui relevaient de sa souveraineté ou de sa juridiction séculière[1], et qu’il défendait d’en faire le sujet d’aucune enquête. » Ce fut là le premier acte de résistance officielle et comme le point de départ du mouvement qui a exclu les papes des affaires temporelles de la monarchie et les a enfermés dans des attributions purement doctrinales et dogmatiques. A dater du règne de saint Louis en effet, il s’est développé d’âge en âge un droit traditionnel qui a répondu article par article au Dictatus de Grégoire VII ; c’est ce droit qui a reçu le nom de libertés de l’église gallicane.

Dispersées dans la pragmatique, les concordats, les ordonnances royales, les arrêts des parlemens, les livres des légistes, les libertés gallicanes se sont formées au jour le jour, comme les coutumes. Chaque lutte nouvelle soutenue par la royauté française y a fait ajouter quelque principe, et Louis XIV les a codifiées dans la célèbre déclaration de 1682 ; mais cette déclaration, qui en résume l’esprit général, laisse dans l’ombre une foule de dispositions qui avaient acquis force de loi. Ces dispositions embrassent dans leur ensemble toutes les questions auxquelles peuvent donner lieu les rapports de l’église et de l’état. A défaut de la lettre, en voici l’esprit[2] :

Le concile national et même le concile provincial, dans les matières d’ordre, de discipline et d’administration ecclésiastique, peuvent décider et faire des règlemens sans l’autorisation du pape. Le roi peut, sans le congé ou la permission du pape, convoquer des conciles nationaux et provinciaux. Ce droit est inhérent à la monarchie, il remonte à Clovis. Le pape ne peut ni déposer le roi, ni délier ses sujets du serment de fidélité, et ceux-ci, quoi qu’il arrive, sont tenus d’obéir à leur souverain. Le roi de France ne peut être excommunié, et le royaume ne peut être mis en interdit. Le roi

  1. « Ne de regalibus suis vel rébus aliquibus ad juridictionem suam secularem pertinentibus cognoscere directe vel indirecte seu inquisitionem facere aliquantulum præsumeret. » Bibliothèque nationale, mss., collection Béthune, vol. 9417, fol. 104.
  2. On formerait une vaste bibliothèque avec les livres qui ont trait aux libertés gallicanes. Nous nous bornons à indiquer ici les plus importans. Pithou, les Libertés de l’église gallicane, 1639, réédité avec un commentaire de M. Dupin, 1824-27. — Dupuy, Traité des droits du roi, 1639, 3 vol. in-fol. — Fleury, Discours sur les libertés gallicanes. — Ces ouvrages sont écrits au point de vue apologétique de l’église gallicane. — Joseph de Maistre, de l’Église gallicane, 1821. Ce livre est inspiré par une idée toute contraire ; c’est une savante et parfois éloquente critique des libertés. Aux documens imprimés, il faut ajouter quelques recueils qui se trouvent dans les collections manuscrites de la Bibliothèque nationale, entre autres Recherches des actes des rois de France touchant leur puissance en matière ecclésiastique, Colbert, 1.154, p. 200 et suiv.