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chées étant plus profondes que celles de 1848, l’on trouva trois médailles impériales à l’effigie de Claude, Néron et Titus. Le problème était dès lors résolu, la contradiction disparaissait. Les thermes d’Aulus étaient connus et fréquentés dès les premiers siècles de notre ère. Restait à en expliquer la disparition, disparition si complète qu’elle n’avait laissé aucune trace dans le souvenir des habitans. Le mot de l’énigme nous fut donné dans la journée du 23 juin. Dans l’après-midi, au plus fort de l’orage, les étrangers qui se trouvaient au Grand-Hôtel, situé en face des thermes, entendirent un ébranlement formidable parti de ce côté. Chacun de courir aux fenêtres et de porter ses yeux sur la colline qui s’élève derrière la buvette. Un éboulis venait de se produire et avait recouvert de plusieurs mètres cubes de terre une source inexploitée qui se trouvait à droite de l’établissement. Un fait analogue s’était produit dans les siècles qui suivirent la domination gallo-romaine, sur l’emplacement où est située la source principale, et le défaut de sécurité, qui formait un des traits caractéristiques de cette époque, rendant la fréquentation des thermes difficile et souvent impossible, le souvenir d’Aulus s’était effacé de la mémoire des générations. Les sources continuaient, il est vrai, à sourdre plus bas ; mais les habitans du village, les seuls qui les connussent, effrayés à l’aspect du dépôt ocreux qui en tapissait le lit, et de la quantité de grenouilles et de salamandres qu’attirait la température relativement élevée de ces eaux, se gardaient d’y toucher, et n’osaient même y laisser boire leurs troupeaux. Il fallut, pour les remette en honneur, que la guerre d’Espagne de 1823 conduisît sur ces lieux un lieutenant du 4e de ligne qui, comprenant à la couleur ocreuse du dépôt qu’il avait devant lui une eau minérale, essaya d’en boire, et se vit délivré au bout d’un mois d’une affection constitutionnelle jugée incurable par tous les médecins qui l’avaient traité.

D’autres remarques pourraient encore être faites sur les résultats de l’inondation, car chaque grande crue, étant un phénomène géologique, se rattache intimement à la constitution physique du sol ; mais ce serait sortir de notre cadre, et d’ailleurs je crois en avoir assez dit pour donner une idée des causes qui ont amené les désastres, de la marche du fléau et des conséquences immédiates qui en dérivent. Au milieu de tant de ruines deux choses viennent nous consoler et reposer les yeux de ce navrant spectacle : ce sont d’abord les sublimes exemples de dévoûment donnés par toutes les classes de la société à l’heure du danger. À Pinsaguel, on voit le gendarme Soulé, ancien cuirassier de Reichshofen, organiser à lui seul le sauvetage ; grâce à sa haute taille et à sa force peu commune, il affronte le courant, va de porte en porte, de fenêtre en fe-