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Cette nouvelle manière de voir, qui d’ailleurs n’infirme en rien la brillante théorie d’Agassiz sur les effets de l’époque glaciaire, est d’autant plus naturelle que tous les documens historiques et géologiques nous permettent de conjecturer que les inondations étaient dans les temps reculés sinon plus fréquentes, du moins plus considérables qu’aujourd’hui. Dans la Haute-Égypte, on voit encore marquée sur les rochers de la grande cataracte la hauteur de crues qu’atteignait le Nil à l’époque des pharaons, et cette hauteur dépasse de plusieurs mètres le niveau des grandes eaux d’aujourd’hui. Dans l’Amérique du sud, Agassiz a fait la même remarque au sujet de certains affluens de l’Amazone. Rien d’étonnant d’après cela que les géologues se soient mépris sur les limites souvent indécises qui séparent l’action de l’époque contemporaine de celle des glaciers de l’époque post-pliocène. Les dépressions du sol produites en maints endroits dans la région pyrénéenne ont soulevé une autre question non moins importante au point de vue géologique. Depuis que Lyell nous a appris que les soulèvemens des montagnes s’expliquaient beaucoup mieux par des mouvemens insensibles de l’écorce du globe amenés par les forces naturelles qui agissent aujourd’hui à la surface de la terre que par les soubresauts convulsifs de l’école de Cuvier, dus à des causes surnaturelles ou inexplicables, on s’est mis à noter avec soin les localités qui paraissent s’être exhaussées depuis qu’elles ont été le sujet d’observations directes. Dans les Pyrénées centrales, on avait remarqué l’élévation graduelle, du moins en apparence, de plusieurs fermes ou villages. Le plus important de ces phénomènes a été signalé à Montagagne, petit hameau de l’Ariége situé dans la montagne à quelques kilomètres au-dessus de la petite ville de la Bastide-de-Sérou. Il y a une quarantaine d’années, les habitans de cette dernière localité ne pouvaient apercevoir Montagagne. Peu à peu on commença à découvrir le clocher, puis l’église ; aujourd’hui on voit le village tout entier. Un tel fait suppose des mouvemens de terrain, mais dans quel sens s’étaient-ils produits ? Est-ce au sol sur lequel est bâti le village qu’il fallait attribuer cet exhaussement, ou bien à celui de la Bastide-de-Sérou, placé plus bas ? Ne valait-il pas mieux ne voir dans tout cela qu’un affaissement du monticule qui sépare les deux localités et qui jadis cachait la première à la seconde ? Les dépressions du sol qu’on a remarquées au lendemain de l’inondation dans les mêmes localités semblent donner raison à l’heure qu’il est à cette dernière manière de voir. Du reste il n’est que sage d’attendre des observations plus précises pour se prononcer, car rien n’empêche que des mouvemens de terrain de sens contraire, exhaussement d’un côté, abaissement de l’autre, se produisent dans des régions très voi-