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les inondations de la garonne.

uniquement du domaine de la météorologie, mais pour en atténuer, du moins dans certaines limites, les effets destructeurs ? La solution de ce problème a d’autant plus d’importance qu’il s’agit non pas seulement de prévenir les dévastations des récoltes et des habitations, mais d’éviter en même temps deux fléaux non moins redoutables, la famine et la peste, qui ne sont que trop souvent les suites fatales de tels désastres. À l’heure qu’il est, le premier de ces fléaux n’est plus à redouter, grâce à la navigation à vapeur et aux chemins de fer, qui dans quelques jours peuvent apporter des marchés étrangers toutes les céréales nécessaires aux régions dévastées ; mais il n’est pas aussi facile d’éviter les fièvres paludéennes et toutes les maladies qui en dérivent. Les annales des inondations du bassin de la Garonne nous offrent de tristes renseignemens à ce sujet. À la suite de la crue de 1653 et des dévastations qu’elle entraîna, les récoltes étant entièrement perdues, la famine ne tarda pas à se faire sentir ; les fièvres occasionnées par la stagnation des eaux chargées de détritus organiques dans les plaines envahies augmentèrent la mortalité dans des proportions effrayantes. On estima qu’il mourait 80 personnes par jour entre Toulouse et Agen ; la moitié de la population succomba. Des désastres encore plus grands ont peut-être frappé à d’autres époques les populations riveraines de la Garonne, mais les chroniqueurs de nos premiers siècles, uniquement occupés des faits d’armes, ne nous apprennent que fort peu de chose à ce sujet.

La plus ancienne mention qui soit faite des inondations du midi de la France est, je crois, celle que nous trouvons dans notre vieil historien Grégoire de Tours, et qui eut lieu « la cinquième année du roi Childebert. » Depuis Grégoire de Tours, les chroniques redeviennent muettes, et il faut arriver au XIIIe siècle pour avoir quelques renseignemens sur les crues de la Garonne. M. Champion, dans son savant ouvrage sur les inondations, nous apprend que le sud-ouest fut dévasté deux fois dans ce siècle, une première fois en 1212, une seconde en 1281. Un fait lamentable signala cette dernière inondation à Toulouse. Les habitans s’étant rendus en procession sur le pont au plus fort de la crue pour conjurer le fléau suivant la coutume du temps, le pont céda, et 300 personnes disparurent dans les flots. Il est vrai que ce pont était en brique, comme on peut en juger par les débris que l’on voit encore non loin du pont de pierre. Si on compare le chiffre indiquant le nombre des crues par siècle, on s’aperçoit qu’elles suivent une progression croissante : elles n’étaient que de deux au XIIIe siècle, on en signale quinze au XVIIIe siècle. Tout en faisant la part qu’il convient d’attribuer à la négligence des anciens chroniqueurs, cette progression n’en paraît pas moins un fait