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jectif funèbre ; mais, arrivé à ce nombre, on dut renoncer à une telle entreprise, la décomposition des cadavres rendant l’opération à la fois dangereuse et inutile. Les ingénieurs et les architectes chargés de veiller aux démolitions étaient préoccupés d’un autre problème non moins important. Il s’agissait de faire un choix entre les maisons dont la solidité n’avait pas été atteinte par l’inondation et celles qu’il fallait démolir pour éviter un écroulement peut-être tardif, mais certain. Dans l’impossibilité de retirer tous les cadavres engloutis sous les débris, on devait aussi chercher les moyens de prévenir les épidémies qui pourraient résulter de leur décomposition. Enfin, chose peut-être la plus difficile de toutes, il fallait retirer l’eau des caves et des sous-sols. Bordeaux envoya une compagnie de pompiers à cet effet. Tous les naufragés valides du faubourg Saint-Cyprien, beaucoup d’ouvriers qui se trouvaient sans travail et de nombreux détachemens de soldats se mirent à l’œuvre sans relâche pour conduire à bonne fin cette besogne si ingrate. La tâche paraissait si longue, si ardue, qu’on proposa, pour en finir d’un seul coup, de mettre le feu au faubourg. Le remède avait du bon, mais il parut trop radical, et on s’en tint à la lente et pénible méthode des déblaiemens.

Grâce aux efforts des ingénieurs, des architectes et des officiers de l’armée qui dirigeaient les travaux, on put continuer l’œuvre sans essuyer les accidens qu’on redoutait, et dont le plus grave était la crainte des épidémies. Aujourd’hui on connaît le chiffre exact des maisons atteintes par le fléau dans ce malheureux faubourg : 953 ont été détruites, 257 restent inhabitables ; total : 1,210 habitations à reconstruire. J’ai déjà dit que le chiffre de celles qui ont disparu dans les faubourgs de la rive droite s’élève à environ 200. Un mot attribué au maréchal de Mac-Mahon lors de son passage à Toulouse donne une idée assez juste de l’aspect que présentait Saint-Cyprien au lendemain du désastre : « Les champs de bataille de Crimée, d’Italie et de Reichshofen n’étaient rien auprès de ce que je vois ici. » Ajoutons que les soldats du génie et les pontonniers appelés par le général de Cissey, les premiers pour aider aux travaux de déblaiement, les seconds pour construire des ponts de bateaux, furent de puissans auxiliaires et les dignes continuateurs des soldats de l’artillerie et des mariniers qui avaient exposé si courageusement leur vie dans les momens les plus critiques de l’inondation.

IV.

Je dirai peu de chose sur les autres localités dévastées par le fleuve, pour éviter les répétitions. Qu’on se figure chaque fois une