Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 11.djvu/552

Cette page a été validée par deux contributeurs.
546
revue des deux mondes.

nal, que des souscriptions allaient s’ouvrir sur tous les points du territoire, que la France entière répondrait à cet appel, mais on ne pouvait attendre ; il fallait sur l’heure des secours immédiats, et en premier lieu une nourriture convenable qui rendît la vie à cette population exténuée depuis la veille par des privations et des souffrances de toute sorte. On se fera une idée de l’immensité du mal à réparer, si l’on songe que plus de 1,200 maisons avaient été démolies ou étaient devenues inhabitables à Saint-Cyprien, que 200 environ avaient subi le même sort dans les autres faubourgs de Toulouse, et que toutes les usines qui se trouvaient sur le cours de la Garonne avaient été détruites ; plusieurs milliers d’ouvriers se voyaient sans travail en dehors de ceux qui avaient été naufragés, et venaient ainsi accroître la liste des nécessiteux. Si l’on ajoute que tous les habitans sans exception du faubourg Saint-Cyprien avaient dû émigrer, même ceux dont les habitations étaient intactes, parce qu’il n’en existait aucune dont le rez-de-chaussée ne fût envahi par les eaux, il est permis de supposer qu’un cinquième presque de la population, c’est-à-dire 15,000 ou 20,000 bouches, demandaient du pain. On réduisit, il est vrai, ce chiffre en opérant un triage entre les sinistrés proprement dits dont la situation demandait d’urgence des secours et ceux qui ne réclamaient que du travail, et dont une grande partie en trouva tout de suite au déblaiement du faubourg Saint-Cyprien. Malgré cette épuration, le nombre des misères à soulager semblait hors de proportion avec les ressources qu’on avait sous la main.

Le généreux élan qui se manifesta dans les diverses classes de la société suppléa bientôt à tout. La plupart des établissemens publics, jusqu’aux salles de bal, furent convertis en ambulances. Celles-ci ne suffisant pas, toutes les personnes aisées amenèrent chez elles un nombre de naufragés en rapport avec les dimensions du local dont elles disposaient. Les médecins de la ville s’entendirent pour se partager la surveillance des divers quartiers ; chaque grand établissement était dirigé par l’un d’eux. Un côté avait été réservé aux hommes, l’autre aux femmes et aux enfans. Quand le local le permettait, les nourrices occupaient une salle séparée. Des frères de la doctrine chrétienne veillaient au dortoir et à la salle des hommes, des religieuses aux appartemens des femmes et des enfans. Les dames de la ville, en tête desquelles on voyait figurer les plus grands noms de l’aristocratie toulousaine, se partagèrent aussi les divers quartiers pour aller soigner elles-mêmes ces milliers de victimes. Des fourneaux économiques furent organisés sur l’heure, ou plutôt l’avaient été dès le matin, car les autorités municipales et les hommes qui les secondaient se montrèrent toujours à la hauteur de