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la caserne après avoir précipitamment porté au premier étage tous les objets qui se trouvaient au rez-de-chaussée. Du haut de l’antique forteresse féodale qui domine la rive droite de l’Aude, et dont les souvenirs historiques inspirèrent de si touchantes pages à Frédéric Soulié, lorsqu’il écrivait le Vicomte de Béziers, l’on ne voyait qu’un immense lac, aux eaux jaunâtres, occupant tout le fond de la vallée. Inutile de dire que les communications étaient interrompues sur tous les points envahis par les eaux. L’inondation prit un caractère encore plus tranché lorsque, quittant la plaine de Carcassonne, la rivière rompit les digues qui protégeaient les vignobles de Capdestang et se répandit dans cette vallée ainsi que dans celle de Coursan, située un peu plus bas, et dont les vignobles ne sont pas moins importans que les premiers. Dès lors les basses plaines de l’Aude ne furent plus qu’une mer qui allait se relier à la Méditerranée, dont elle ne se distinguait que par la couleur des flots. Dans cette région, les dégâts furent sérieux. L’eau s’écoulant en effet difficilement sur ces plages unies et quelquefois sans pente, d’immenses flaques persistèrent pendant plusieurs jours dans les parties les plus basses, en attendant que le soleil vînt les sécher. La récolte du vin était perdue, nombre de ceps avaient été ébranchés ou brisés par la violence du courant, d’autres pourrissaient sous l’humidité entretenue par le limon qui les recouvrait. Ajoutez à cela qu’on craignait les fièvres paludéennes, conséquence ordinaire de toutes les inondations de longue durée. Toutefois, même en tenant compte des pertes subies par les riches vignobles de Capdestang et de Coursan, on peut dire que l’Aude, malgré les 215 kilomètres de son parcours, a produit peu de désastres, si on les compare aux affreuses dévastations causées par le débordement de la Garonne et de ses affluens pyrénéens. Un mot maintenant sur ces derniers.

Les rivières que reçoit la Garonne sur sa rive droite, dans la partie supérieure de son cours et qui méritent d’être citées, sont au nombre de trois : l’Ariége, l’Arize et le Salat. La première est celle qui fixe le plus l’attention, tant par l’étendue de son cours, qui est de 140 kilomètres, que par l’importance de la vallée qu’elle arrose et des petites villes qu’elle traverse. On peut aujourd’hui la remonter presque jusqu’à sa source, grâce à la route carrossable qui, depuis quelques années, relie la vallée de l’Ariége au val d’Andorre. Le gave côtoie cette route depuis le pied de l’escarpement où il a pris naissance jusqu’à la gare de Foix. Ax est la première ville qu’il rencontre sur son passage. On trouve là des eaux sulfureuses qui, comme celles de Carcanières, peuvent le disputer à Luchon et à Cauterets pour la variété, l’abondance et la température des sources. Certaines traditions semblent indiquer que ces thermes