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faiblesses, qui éclate à chaque instant. Le gouvernement, ou pour mieux dire le premier personnage du gouvernement après le chef de l’état, M. le vice-président du conseil, ne voit pas que par le système qu’il s’obstine à suivre et qui au bout du compte est assez difficile à définir, il s’engage dans une série d’équivoques sans issue possible.

Que veut M. le ministre de l’intérieur ? Il n’est point assurément bonapartiste, il vient de le prouver une fois de plus par la netteté de son attitude en présence du dernier incident, — et cependant même en frappant un homme du parti il ménage encore les bonapartistes, il s’expose à être ménagé par eux ; il semble toujours éviter une rupture ouverte, comme s’il ne cessait de compter sur un appoint de ces impérialistes déguisés en conservateurs. Le chef du cabinet est certainement très décidé pour les lois constitutionnelles, — et lorsqu’on lui signale les attaques dont ces lois sont l’objet, lorsqu’on lui demande de les faire respecter, il joue aux propos interrompus dans la commission de permanence, il répond que la religion, elle aussi, est outragée chaque jour. M. le ministre de l’intérieur a le goût de la correction administrative, ce qui n’est point un mal à coup sûr ; mais il pousse ce goût jusqu’à se faire une sorte de point d’honneur de couvrir ses subordonnés, même dans des actes qui ne laissent point d’être bizarres, même dans des mésaventures comme celle où M. le préfet de Lyon est tombé avec ses agens de police. Il s’inquiète fort peu de savoir si quelques-uns de ses préfets ne sont pas les premiers à faire bon marché des institutions qu’ils sont chargés d’accréditer, à jeter le doute dans les populations par les idées qu’ils expriment, par les préférences qu’ils affichent. Où est la direction en tout cela ? On rapporte que pendant le dernier voyage de M. le président de la république et de M. le ministre de l’intérieur dans le midi au moment des inondations, une des personnes du cortège officiel, répondant à un conseiller-général de la Haute-Garonne qui lui parlait du centre gauche, disait lestement : « Il n’y a pas de centre gauche, il n’y a que des conservateurs et des radicaux, nous sommes les conservateurs. » Nous voici bien avancés ! Qui ne voit ce qu’il y a de chimérique et de factice dans ces classifications complaisantes dont on se sert pour couvrir une politique assez équivoque, pour se faire cette illusion qu’on est le dernier boulevard de l’ordre conservateur et de la société !

M. le vice-président du conseil, nous le craignons, part d’une idée fausse ou tout au moins arbitraire, et il s’y attache comme tous les esprits qui prennent l’obstination pour la fermeté. Il est de ceux qui représentent l’opiniâtreté dans l’indécision. M. Buffet est peut-être entouré de flatteurs occupés à transformer ses faiblesses en marques de caractère, et ses défaites en victoires. Eh bien ! on le trompe. Lorsqu’il est arrivé au pouvoir, tout se réunissait assurément pour lui offrir l’occasion d’une intervention décisive dans nos affaires, d’une action prépondérante et salutaire. Il pouvait rassurer le pays, dominer les partis, organiser avec