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dehors des factions et des intrigues. C’est aux chefs militaires surtout à donner l’exemple ; ceux qui croiraient relever leur rôle en se faisant hommes de parti se tromperaient singulièrement ; on ne leur sait aucun gré de leurs manifestations, de leurs discours et de leurs lettres, on est bien plutôt porté à leur rappeler qu’ils ont autre chose à faire. Qu’ils s’occupent un peu moins de ce qui se passe à Versailles ou de ce qui se dit dans les journaux comme dans les banquets, et qu’ils se dévouent tout entiers à l’œuvre de régénération militaire. Qu’ils laissent de côté la politique avec ses passions et ses divisions pour rester les hommes du pays, pour nous donner l’armée nationale qu’ils nous doivent, armée instruite, fidèle, obéissante aux lois, étrangère aux partis. Ce n’est même qu’à cette condition que les généraux peuvent véritablement faire acte de patriotisme, ce n’est qu’à ce prix que, dans des temps troublés, l’armée peut être encore la grande force impartiale et pacificatrice. Tout le reste n’est que péril, et ce qu’il y a de plus clair dans l’aventure de M. le vice-amiral de La foncière, ce que nous appelons la moralité de l’incident pour l’armée, c’est qu’il y a une incompatibilité réelle entre les fonctions politiques de parlement et les fonctions militaires actives. Si on avait besoin d’une démonstration nouvelle, plus que jamais elle est faite aujourd’hui.

La moralité pour le gouvernement, c’est autre chose. Par ce qui vient d’arriver, on peut voir où conduisent les condescendances, les apparences de ménagement et les illusions trop faciles de conciliation avec ceux qui ne se réconcilient pas, qui s’arment au contraire de toutes les concessions qu’on leur fait. La promotion de M. de La Roncière au commandement de l’escadre de la Méditerranée avait notoirement éveillé quelques craintes que le souvenir des services de l’amiral pendant le siège de Paris n’avait apaisées qu’à demi, et devant lesquelles le ministère n’avait pas cru devoir s’arrêter. Ces craintes n’avaient malheureusement rien de chimérique, et le ministère lui-même a bien montré qu’il savait agir résolument, qu’il ne voulait ni se laisser imposer des solidarités trop compromettantes, ni laisser l’esprit de parti s’introduire dans l’armée. Rien de mieux ; mais ce ne serait qu’une illusion nouvelle de croire qu’il n’y a qu’à écarter un incident, à désavouer un acte ou à frapper un homme, et à persister dans la même politique. Ce qu’il y a de grave justement, c’est que cette nomination de M. de La Roncière faisait partie de la politique ministérielle ; elle rentrait dans cet ordre de combinaisons tendant à rallier autour du gouvernement des groupes qui se disent conservateurs, — sans doute parce que leur première pensée est de détruire ou de rendre impossible tout ce qui existe. Cette politique a manqué d’un côté, à l’improviste, par une manifestation sur laquelle on ne comptait pas ; elle ne subsiste pas moins tout entière, ou elle semble subsister, et elle ne peut avoir d’autre résultat que de perpétuer cette anarchie d’administration, de direction, qui est une de nos