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ment. » C’est tout simplement l’appel au peuple selon la plus pure « formule » bonapartiste. Placé à la tête d’une escadre, M. de La Roncière assure qu’il servira le gouvernement du maréchal Mac-Mahon — tant qu’il ne sera pas emporté en dehors des voies conservatrices. — Et qui sera juge de cette limite où s’arrêtent « les voies conservatrices, » au-delà de laquelle il n’y a plus que « les révolutionnaires du 4 septembre et leurs sectaires ? » C’eût été apparemment M. de La Roncière qui se serait chargé de la découvrir et de la fixer du haut du vaisseau amiral où la confiance de M. le maréchal de Mac-Mahon l’avait mis en sentinelle pour garder les intérêts de la France dans la Méditerranée ! Soumis comme tout le monde, plus que tout le monde, à une constitution qui a été avant tout une œuvre de nécessité et de conciliation, M. l’amiral se met en vérité fort à l’aise au nom d’une droiture qu’il refuse sans doute au commun des mortels, à ceux qui ont voté l’acte du 25 février ; il traite lestement, quoique avec une certaine obscurité, « les compromis et les défaillances dissolvantes de la peur,… les défections, les alliances honteuses de la haine, défections et alliances qui ne sont pas nouvelles, mais qui restent une flétrissure pour ceux qui n’ont pas su y échapper, pour ceux-là mêmes qui s’y préparent encore aujourd’hui… » À qui s’adressent donc ces paroles assez laborieuses, dont le gouvernement peut à coup sûr prendre sa part ? Voilà le respect qu’un chef militaire placé dans une position officielle professe pour des transactions reconnues nécessaires, acceptées certainement par raison, par patriotisme, nullement sous les influences dissolvantes de la peur ou de la haine ! Et comme pour accentuer toutes ces belles choses, M. l’amiral de La Roncière a pris soin de dater sa lettre « à bord du Magenta ; » il se fait « un titre du grand commandement qu’il exerce, » c’est-à-dire qu’il se sert du pouvoir qui lui a été confié pour mettre en cause l’origine des institutions actuelles, le caractère du gouvernement, les mobiles de toute notre politique, le crédit de la France elle-même.

C’est dommage que M. l’amiral, provisoirement retenu par son service, n’ait été que d’intention au banquet d’Évreux ; s’il y avait assisté réellement, il aurait entendu M. Raoul Duval, allant droit au but avec son impatiente hardiesse de parole, réhabilitant l’empire, — car enfin il est bien clair que l’empire est absolument étranger aux malheurs de la France. Ce n’est point l’empire qui a livré notre pays désarmé aux fatalités de la guerre ! Si nous avons perdu deux provinces et payé une colossale rançon, ce n’est point la faute de l’empire ; avec lui, tout eût été pour le mieux, — nous en aurions été quittes pour l’Alsace perdue et pour deux milliards de rançon ! Qu’on laisse faire le peuple, qu’on le consulte, il se hâtera de rétablir « le gouvernement qui avait édifié l’œuvre de la commune prospérité ! » La France retrouvera, avec des alliances, sa place dans le « concert européen. » Après tout, ce n’est là que le commentaire un peu hardi de cette lettre que M. l’amiral de La Roncière Le