Page:Revue des Deux Mondes - 1875 - tome 11.djvu/46

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

absolutiste, la presse de l’Allemagne la louait unanimement et comme en vertu d’un mot d’ordre, et elle encourageait le roi à la résistance. Il est vrai qu’elle avait besoin de faire voter par un groupe illégitime de députés sa convention olympique, qu’une chambre régulière eût repoussée.


II

Cet exposé des faits historiques était nécessaire pour qui attache quelque importance à suivre le mouvement des esprits dans le monde hellénique. Au sortir de la guerre de l’indépendance, quand on crut remarquer des tendances absolutistes chez le président Capo d’Istria, on l’assassina. Cette fois une tentative prolongée et manifeste dans ce sens n’a fait tuer personne ; l’attitude ferme et décidée du peuple a suffi pour la déjouer. Le progrès a donc été grand pendant ces quarante années. À cette même époque ou peu après, on inaugura en Grèce l’usage d’employer les compagnies de brigands comme instrumens politiques dans les élections. La secousse imprimée à l’opinion publique par le meurtre des voyageurs anglais, il y a quelques années, a ouvert les yeux à tout le monde : tous les chefs de parti ont depuis lors également poursuivi le brigandage. Nous l’avons vu refoulé peu à peu vers la frontière du nord, où il s’est maintenu quelque temps, grâce au voisinage de la Turquie. Enfin cette dernière, comprenant qu’il fallait en finir sous peine d’être blâmée par l’Europe entière, a su agir de son côté. Aujourd’hui le sol de la Grèce jouit dans toute son étendue d’une sécurité profonde. La société hellénique a donc su réaliser en peu de temps ce que le gouvernement italien n’a pas encore pu faire pour le sud de la péninsule et pour la Sicile.

Toutefois, si nous devons des éloges au peuple grec pour la promptitude avec laquelle il se met au courant de la civilisation, nous ne devons pas fermer les yeux sur les fâcheux effets de ses divisions politiques et de sa mauvaise administration. Le désordre, malheureusement trop connu, qui règne dans ses affaires, lui a fait perdre la confiance de l’Europe. Au temps où il luttait pour son indépendance, les esprits chez nous s’exaltèrent outre mesure sur son héroïsme : depuis lors on a passé au sentiment contraire, quand on a cru que les fils de ces héros ne tiendraient pas ce que leurs pères avaient promis. Il y avait quelque injustice dans cette mauvaise opinion, puisque le pays a employé ces quarante-cinq années à se refaire, et qu’en définitive il s’est refait ; pourtant il est certain aussi que les ressources de l’état, faibles, mais croissantes, ont été généralement mal employées et n’ont laissé sur le sol de la Grèce que