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par la médiation française, la combinaison salutaire des trois tronçons, beaucoup plus favorable à la France, à ce qu’on prétendait, que celle de l’ancien Bund, création néfaste de 1815. Il est vrai que bientôt, et parmi les personnes initiées au secret de la mission Benedetti, on ne regarda plus ce « groupe de confédérés » que comme « matière à transaction pour un profit convenable ; » en attendant toutefois, on « sauvait » toujours le sud, et M. Drouyn de Lhuys s’efforçait honnêtement, dans ce mois d’août 1866, d’aider les malheureux plénipotentiaires de la Bavière, du Wurtemberg, de Hesse, etc., qui étaient allés chercher la paix définitive à Berlin. M. de Bismarck les avait épouvantés d’abord par ses exigences fiscales et territoriales ; ils avaient invoqué et obtenu l’appui de l’empereur, et aux Tuileries on se flattait d’avoir en effet amené le ministre de Guillaume Ier à des sentimens plus équitables. Encore le 24 août M. Drouyn de Lhuys écrivait à son agent en Bavière : « Je suis heureux de penser que notre dernière démarche n’a pas été sans influence sur le résultat d’une négociation qui se termine d’une manière plus satisfaisante que le cabinet de Munich ne l’avait d’abord espéré, » et il n’est pas jusqu’à M. Benedetti qui ne s’attribuât en tout cela le beau rôle de modérateur[1]. La vérité est que, si M. de Bismarck finit par se modérer et devenir même très amical pour les états du sud, il eut pour cela des motifs bien autres que le désir d’être agréable au cabinet des Tuileries. Il avait tout simplement montré au « groupe des confédérés » le projet de traité du 5 août, il leur avait fait voir que le gouvernement français, dans le temps même où il semblait les protéger, cherchait à s’entendre avec la Prusse à leurs dépens, et demandait des portions du palatinat et de la Hesse. Au lieu d’exiger d’eux les sacrifices qu’ils redoutaient, le ministre de Guillaume Ier offrit de les défendre contre « l’ennemi héréditaire. » Il n’y avait pas à balancer : les états du sud se rendirent, et la Prusse conclut avec eux (du 17 au 23 août) des traités secrets d’alliance offensive et défensive. Les contractans se garantissaient réciproquement l’intégrité de leurs territoires respectifs, et les états du sud s’engageaient à mettre, en cas de guerre, toutes leurs forces militaires à la disposition du roi de Prusse. La « matière à transaction » sur laquelle avait compté M. Rouher était désormais hors de prix ; la ligne du Mein se trouvait être franchie avant qu’elle eût été tracée sur la carte officielle de l’Europe, et dès le mois d’août 1866 M. de Bismarck put compter sur le concours armé de toute l’Allemagne[2].

Les conventions militaires avec les états du sud furent tenues

  1. Lettre particulière de M. Benedetti au duc de Gramont, en date du 22 août 1866, Ma Mission en Prusse, p. 192.
  2. Albert Sorel, Histoire diplomatique de la guerre franco-allemande, I, p, 29-30.